Équateur

L'exilé

L'Équatorien Rafael Correa fut, avec Evo Morales en Bolivie, Lula au Brésil et Hugo Chavez au Venezuela, l'un des piliers de la vague révolutionnaire sud-américaine qui prit le pouvoir au début des années 2000. Il fut peut-être, aussi, celui qui pensa avoir le plus réussi. Pourtant, aujourd'hui, Correa, qui avait accordé protection à Julian Assange et se dit trahi par son ancien vice-président, vit réfugié en Belgique. D'où il rêve à un hypothétique retour, en balayant d'un revers de la main tout ce qui pourrait ressembler à une autocritique. Society a passé plusieurs jours avec lui.
  • Par Pierre Boisson
  • 23 min.
  • Portrait
Illustration pour L’exilé
Photos: Renaud Bouchez pour Society

Rafael Correa pénètre dans un amphithéâtre de l’université libre de Bruxelles sous les cris d’une foule déchaînée et d’un chauffeur de salle en chemise et chapeau de cow-boy blancs qui brame dans la sono pour annoncer “l’arrivée de l’homme qui a construit notre pays” ou du “meilleur président de l’histoire de l’Équateur”, ou encore du “commandant de nos cœurs et de la révolution”. Les bancs de l’université sont, en ce samedi de septembre 2018, occupés par une diaspora équatorienne venue d’Angleterre, de France, d’Allemagne ou d’Espagne. Dans les airs flottent des banderoles bleu et jaune.
Rafael Correa n’est plus le président de son pays depuis près d’un an et demi, mais dans son costume marine et avec sa carrure de boxeur de Guayaquil, il avance d’un pas monarchique. Des jeunes hommes et des vieilles femmes se jettent dans ses bras. “Il y aura du Rafael pour tout le monde”, promet le cow-boy au micro. Francisco, un Équatorien de Valence, clame au président, sans une virgule et sans respirer: “On a dépensé notre argent on n’a pas mangé depuis hier parce que vous nous avez rendu notre dignité on est fait d’un acier si fort que personne ne nous fera jamais tomber merci.” Viennent ensuite Milton et Monica, et Alex, et encore des vagues de fidèles qui dégringolent des escaliers pour prendre un selfie avec le président. “Sécurité, aidez-nous!” supplie le chauffeur de salle. Correa parvient enfin à s’asseoir au premier rang quand un chant descend des tribunes: “¡El pueblo, unido, jamas sera vencido!” (“Le peuple, uni, ne sera jamais vaincu!”)
Correa se met à nouveau debout et contemple l’amphithéâtre. Il lève le poing et se frappe le cœur.

Society #104

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