
Des rideaux occultent l’intérieur de la maison. Pour le commun des mortels, cela relève de la décoration ou d’un simple désir de préserver son intimité. Mais pour Cédric*, qui tient à garder son nom et son lieu de domicile secrets, l’objectif consiste surtout à ne pas s’exposer. Quelques jours après la publication, en novembre dernier, d’un article dans la presse sur son histoire, le retraité a reçu une drôle de visite. “Des hommes ont sonné à ma porte pour vérifier si je n’avais pas de problème de wifi. Selon eux, toute la rue était concernée. Mais j’ai eu une étrange impression, le sentiment que c’était un prétexte pour venir fouiner chez moi. Je leur ai dit que tout fonctionnait, et dans le doute, je ne les ai pas laissés entrer.” On comprend mieux pourquoi Cédric reste sur ses gardes lorsqu’on franchit le seuil de sa porte. La grande pièce à vivre, ornée d’œuvres parfois de grande valeur, chinées à des collectionneurs ou acquises lors de ventes aux enchères, a des airs de salon d’antiquaire. Face à un canapé noir en cuir, la télé crache de la musique classique. Le mobilier, avec ses chaises à l’assise rouge matelassée, ses tables au bois raffiné, son secrétaire vintage et ses guéridons supportant des sculptures, achève de plonger les visiteurs dans une ambiance muséale. Dans sa caverne d’Ali Baba, Cédric possède un trésor plus particulier que les autres, du moins à ses yeux. Il le montre: un cadre blanc renfermant deux dessins qui ont pu, selon lui, susciter l’intérêt des hommes au wifi. À gauche, une coupure de journal datant de 1925 avec un portrait du compositeur Igor Stravinsky titré “Un dessin ‘classique’ de Picasso” ; à droite, un second portrait du compositeur, aux traits différents et non signé. Cédric est persuadé qu’il a lui aussi été réalisé par le célèbre peintre espagnol.