
Les mains enfouies dans les poches d’un survêtement élimé, Israel Liria fait traîner ses tongs sur le carrelage du salon. Il éteint la télé, s’allume une roulée sur la terrasse. Dehors, on aperçoit les toits de petits immeubles sans charme, des collines vert pâle, puis des usines à perte de vue. “Vous savez, je suis juste un type normal.” Israel parle en haussant les épaules, l’air encombré par sa récente notoriété. Il y a quelques mois, le trentenaire a fait l’objet d’un petit buzz, quand des journalistes ont révélé qu’il avait été le premier prof de guitare de la chanteuse Rosalía. Quelques interviews, photo dans El País : l’histoire a fait le tour des environs. “Elle avait 10 ans, rejoue-t-il en cette fin d’hiver, avant que le coronavirus ne confine l’Espagne. Elle a grandi dans la même ville que moi, là-bas, derrière.” Il pointe le doigt vers l’est, en direction de Sant Esteve Sesrovires, une banlieue “normale”, dit-il encore, du nord de Barcelone. Rosalía voulait apprendre à jouer ses chansons préférées, il lui trouvait les partitions sur Internet. Israel se rappelle qu’elle était plutôt douée, travailleuse, enjouée. Les leçons ont duré deux ans, ils sont restés en contact, il est allé à ses premiers concerts, a suivi de loin ses débuts, puis le succès de son premier album, en 2017. “C’était déjà assez dingue, sa chanson passait à la radio, elle était en couverture de magazines. Je me disais: ‘Wow, la petite Rosalía, quand même.’”