
Derrière le stand de crêpes féministes et solidaires, une dame en tablier donne de petits coups de coude à sa voisine. “Tu l’as reconnu?” chuchote-t-elle en l’invitant à se tourner vers l’homme qui vient de lui commander une galette complète. L’autre se concentre en le regardant s’attabler. Mais non, ce visage rond, ces sourcils en accents circonflexes, cette chemise blanche, ça ne lui dit rien. “C’est un économiste très connu!” s’agite la première. Toujours rien. “Rooohhhh… mais c’est Thomas Piketty!” Lorsqu’il a terminé sa crêpe, l’économiste se lève. Sa silhouette disparaît dans la foule qui arpente les allées de la Fête de l’Humanité. Il est 13h en ce samedi ensoleillé de septembre, l’ambiance est joyeuse ; on s’installe sur l’herbe en petits groupes, on refait le monde, on pique un somme. Après quoi, certains s’approchent de la grande tente de l’Agora, l’espace débat du festival. Dans quelques minutes, Thomas Piketty va y animer une rencontre sur le thème suivant: “Faut-il en finir avec l’héritage?” “À l’heure du déjeuner, ça tombe mal”, râle la crêpière bénévole, mais ce n’est pas grave, les idées de Piketty sur l’héritage, elle les connaît déjà: “J’ai lu ses bouquins, je l’adore.” Elle s’essuie le front. “Ce que je regrette, c’est qu’il ne soit pas plus écouté que ça.”