
Le long d’Alder Street, un SDF récolte par grosses poignées les petits galets blancs qui décorent la base des chênes, sans se rendre compte qu’à quelques pas de lui, à l’ombre d’un des arbres, il y a sur le bitume le dessin d’une silhouette humaine. Ici, on a ramassé un cadavre. “J’étais de l’autre côté de la rue quand j’ai entendu deux tirs coup sur coup. Des bruits terribles, dont l’écho a semblé rebondir sur les murs des immeubles, raconte Justin Dunlap, qui, ce soir du 29 août dernier, retransmet une manifestation en direct sur ses réseaux sociaux. Sous un nuage de lacrymogène, j’ai vu un type faire quatre pas avant de s’effondrer. J’étais complètement sous le choc: je venais de filmer un meurtre.” La victime se prénomme Aaron Danielson. Il s’agit, informe la presse, d’un militant d’extrême droite, et sa mort constitue le premier acte d’une triste chevauchée. Acte deux: l’assassin répond au nom de Michael Reinoehl et est présenté comme un militant d’extrême gauche. Acte trois: alors qu’il est en cavale, celui-ci confesse son crime dans un entretien diffusé en prime time à la télévision. Acte quatre: Michael Reinoehl est abattu par les forces de l’ordre. Fin. “C’est la triste réalité de la ville dans laquelle on vit, fulmine aujourd’hui Justin Dunlap. Dès le départ, la boîte de Pandore était ouverte. Tout ça était inévitable.”