
L’hiver, à Detroit. Des parcelles de pelouse calcinée et d’herbes folles encadrent des maisons lacérées par le gel. Le long de l’East Nevada Street, dans un quartier du nord de la ville, les rares passants à avoir osé mettre le nez dehors observent, depuis une station-service, les deux SUV de police qui barricadent un segment de la rue. “Qu’est-ce qu’ils foutent là? Ils ne peuvent pas nous laisser tranquilles deux secondes?” demande l’un d’entre eux. Il semble qu’en cette matinée du 7 février dernier, personne dans le coin n’ait été mis au parfum de l’événement majeur qui s’apprête à se tenir. “Il va y avoir une rue dédiée à J Dilla, la police est là pour la cérémonie”, se charge de leur annoncer Eothen “Egon” Alapatt, le directeur artistique de la fondation James-Dewitt-Yancey, du vrai nom du producteur de rap décédé il y a 19 ans. À quelques mètres de là se dresse l’ancienne maison de ce dernier. Face aux caméras des journalistes qui commencent à affluer, Ja’Mya et Ty-Monae posent fièrement devant ce reliquat de briques et de souvenirs, un panneau bleu frappé du nom de leur père dans les mains. La première porte une casquette et un jean siglés “J Dilla”, la seconde affiche ce nom brodé sur son gilet, au niveau du cœur.