
Une barbe touffue, de grosses lunettes de soleil et une casquette brodée à ses initiales lui cachent l’essentiel du visage, mais cela ne suffit pas. Planqué dans les loges de la Gaîté Lyrique, Sébastien Tellier se décapsule nerveusement une bière et enfonce sa longue silhouette dans une chaise. “J’essaie de réussir ma vie malgré ma timidité, mais là c’était trop pour moi, dit-il. C’est déjà pas facile de se regarder dans une glace, alors se regarder avec 300 personnes qui vous regardent vous regarder, c’est impossible.” Quelques minutes plus tôt, il faisait pourtant glisser ses Repetto blanches et sa veste bariolée sur la scène de cet épicentre culturel des trentenaires parisiens, et écoutait les organisateurs du FAME (le festival international de films sur la musique) l’introduire comme un “dandy libertaire”. C’était le 13 février dernier, dans le monde d’avant. Celui où l’on faisait la queue les uns sur les autres pour pouvoir s’entasser dans des gradins. Celui où un couple pouvait s’engueuler très fort, sans masque et sans penser aux gouttelettes, en attendant l’avant-première d’un documentaire retraçant le parcours d’un musicien angoissé et goguenard. À la réception du lien pour visionner le premier montage du film, Tellier avait envoyé un message à son réalisateur, François Valenza: “Je me fais le joint du siècle et je regarde ça.” Micro en main avant la première projection publique, il livrait désormais sa conclusion: “C’est marrant parce que je ne me voyais pas du tout comme ça. Je pensais me la jouer James Dean, en fait ça n’a rien à voir.”