Cameroun

Qui a tué Martinez Zogo?

Journaliste autodidacte, Arsène Salomon Mbani Zogo, dit “Martinez Zogo”, était devenu l'une des voix les plus accusatrices du Cameroun. Il l'a payé de sa vie. Enlevé, torturé et assassiné le 17 janvier 2023, sa mort, qui implique des responsables de haut rang camerounais, est aujourd'hui devenue une affaire d'État. Elle est aussi symbolique des menaces qui pèsent sur la liberté d'expression au Cameroun, où Amadou Vamoulké, l'ancien directeur général de la radiotélévision publique du pays, déjà détenu arbitrairement depuis huit ans, vient d'être condamné à 20 ans de prison pour “détournement de fonds publics”.
  • Par Vincent Riou, pour Amadou Vamoulké
  • 17 min.
  • Enquête
Un homme portant un casque parle dans un microphone dans un studio de radio. Il est entouré d'équipements tels qu'un ordinateur portable et des notes. Des affiches de football sont accrochées au mur derrière lui.
Illustrations: Manon Debaye pour Society

Qui était Martinez Zogo? Peut-être que le plus simple, pour le présenter, est de faire appel à Me Patrice Monthé. Éphémère bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun entre 1992 et 1994, cet infatigable défenseur de la démocratie a coécrit en 2017 un ouvrage au titre définitif, Une justice qui vous broie. Établi à Douala, la capitale économique du pays, celui qui est aujourd’hui président de l’Union des avocats d’Afrique centrale (UNAAC) s’attache toujours les services du même chauffeur de taxi lorsqu’il descend à Yaoundé. C’est ainsi, coincé dans un concert de klaxons et de vapeurs d’essence, qu’il s’est maintes fois retrouvé, entre 10h et midi, à écouter la bien nommée émission Embouteillage , sur la radio Amplitude FM, 103.3. “Martinez Zogo y disait de manière assez crue des choses qui apparaissaient tellement énormes, monstrueuses, et à chaque fois sur des thèmes différents, avec des cibles variées: le président d’une institution, un membre du gouvernement, un maire, un homme d’affaires, raconte-t-il. C’était tous azimuts, vraiment édifiant, et manifestement des choses fondées. Il disait tout haut ce que les gens murmuraient. Dans une société muselée, c’était tout à fait cathartique. Et puis au bout d’un moment, certains ont dû en avoir marre et ont dû se dire: ‘Bon, il faut en terminer avec lui.’ Voilà.”


AMADOU VAMOULKÉ

Âge: 74 ans.
Ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise (CRTV).
Arrêté le 29 juillet 2016, Amadou Vamoulké a été condamné en décembre 2022 à douze ans de détention pour “détournement de fonds publics”.
Le 28 août dernier, il a été condamné à nouveau, cette fois à 20 ans de détention, pour le même motif.


Reporters sans frontières

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