
Dans la grande salle en bois clair, ils se faufilent parmi la foule des parties civiles ; se serrent sur un banc. Ils s’installent toujours à la même place, au fond, près de la porte. Il y a là Halima, trentenaire, toujours souriante. Leandro, l’un des plus anciens de l’immeuble ; Mohammed, qui n’y a vécu que quelques jours. Depuis plusieurs mois, ils sont une petite dizaine à suivre en pointillé le procès du commando qui a changé leur vie, il y a bientôt sept ans. Tous ont l’air fatigué. Priscilla, parfois, essaye de se joindre à eux. Mais la plupart du temps, elle fait demi-tour avant d’arriver au palais de justice. Faire face aux accusés, prendre le métro: tout cela est encore trop éprouvant.
En novembre 2015, tous vivaient à Saint-Denis, à quelques rues de la basilique, en plein centre-ville. Leandro et Helena habitaient depuis quinze ans, avec leurs trois enfants, cette copropriété composée de trois bâtiments tournant autour d’une cour, à l’angle des rues du Corbillon et de la République. “Il y avait des Péruviens, des Serbes, des Chinois, des Marocains. On s’appelait d’une fenêtre à l’autre, on fêtait les anniversaires et Noël avec les voisins. Les enfants jouaient ensemble dans la cour”, se souvient Helena. Leandro travaillait comme maçon depuis l’âge de 20 ans. Elle, femme de ménage dans une école internationale, rêvait de faire une formation pour devenir coiffeuse. Les enfants grandissaient, la vie suivait son cours, sans beaucoup d’argent, mais sans trop de soucis non plus. Priscilla habitait à l’entresol, juste au-dessus du rez-de-chaussée, dans le petit appartement où elle avait elle-même grandi, avec son compagnon et ses deux filles de 4 et 6 ans. Elle travaillait comme aide-soignante dans une clinique à Asnières et étudiait pour devenir infirmière. Et en cette mi-novembre, comme beaucoup, elle n’était pas complètement tranquille: “Il y avait eu les attentats. On avait peur, on se disait que ça aurait pu arriver chez nous.”