
Longtemps, cette route fut une aubaine. Un mince ruban de goudron qui serpentait au milieu des pins et permettait d’accéder à l’océan sans se coltiner les embouteillages du rond-point de la dune du Pilat. Pour les locaux et les surfeurs, la piste 214 de La Teste-de-Buch offrait le raccourci idéal. Il fallait certes résister à près de sept kilomètres de route criblée de nids de poule et de crevasses, mais la végétation intense de la forêt usagère, sa pinède imposante, ses fougères presque fluorescentes faisaient tout oublier. Les plus curieux s’arrêtaient même un instant devant la nécropole du Natus, un monument dédié aux soldats sénégalais tombés lors de la Première Guerre mondiale. Les habitants du bassin d’Arcachon n’en parlaient guère: on évitait de mentionner ce chemin de bitume aux inconnus, comme pour préserver un secret réservé aux initiés, et à personne d’autre. Jusqu’à ce que les nouvelles technologies viennent tout chambouler. Avec la démocratisation des applications GPS, Waze en tête, des milliers d’automobilistes ont appris ces dernières années l’existence de cette voie forestière. La piste 214 est devenue le théâtre de bouchons infinis, se transformant même en parking pour touristes lors de la haute saison, sans que son état s’améliore pour autant. Un crève-cœur pour ses fidèles, une préoccupation constante pour la municipalité. Et si un feu se déclenchait un jour le long de ce sentier fatigué? “Les pompiers m’avaient averti qu’il y avait désormais parfois tellement de voitures sur la piste qu’ils étaient obligés de slalomer sur la route”, se souvient Patrick Davet, le maire de La Teste-de-Buch. Dès l’automne 2021, l’édile soumet l’idée de fermer la piste pour juillet et août. Sa proposition n’est pas retenue. À la fin du mois de juin 2022, il revient à la charge, en proposant d’y interdire le stationnement l’été. La mesure est cette fois approuvée, un arrêté préfectoral signé dans la foulée. Sans cela, qui sait comment les choses auraient tourné?