
C’est un simple mur dans une ville fracassée. Planté au détour d’une rue du “quartier 40” de Deraa, à une centaine de kilomètres au sud de Damas, près de la frontière jordanienne, il a tenu, malgré les rafales de mitrailleuses, malgré les bombes barils, les shrapnels, les roquettes à sous-munitions qui ont plu sur la ville. Autour, Deraa s’étend, striée de bâtiments squelettiques et désossés, ombres immobiles enracinées dans les champs de débris et de poussière où se cachent peut-être encore quelques restes d’explosifs prêts à détoner. Aujourd’hui, ce mur n’a rien d’un monument historique ni d’un emblème révolutionnaire. Il cloisonne sans prétention une école primaire. Il faut que Muawiya Sayasna descende de sa moto et défile devant, le pas lent, pour que la légende prenne vie.
Dans la lumière froide du mois de janvier, le jeune homme observe, avare de commentaires, la paroi ocre de cette école qui fut autrefois la sienne. Puis il convient sobrement: “Oui, nous avons été un détail du déclenchement de la révolution.” C’est en effet de là que, dans la nuit du 11 au 12 février 2011, du bout de ses doigts d’adolescent, surgit la première étincelle des révoltes qui emporteront le pays vers treize ans de guerre civile et autant d’années de crimes orchestrés par Bachar al-Assad et son clan. Muawiya Sayasna a alors 16 ans et presque autant d’amis autour de lui.