
Un dimanche, alors qu’ils font du bateau sur l’East River, au large du Bronx, une certaine Jess Pinkham et ses amis aperçoivent une île qu’ils ne connaissent pas. Curieuse, la New-Yorkaise plonge et nage jusqu’au rivage. Elle se promène sur l’île déserte parsemée d’indices épars d’une histoire bizarre: bâtiments abandonnés, lits rouillés, tas de chaussures… Plus tard, de retour chez elle, elle trouve sur Internet le nom de cet endroit: Hart Island. Jess ne le savait pas, mais sa balade l’a menée sur un territoire géré par le Department of Correction (DOC) de la ville de New York. Elle n’a pas dû voir le panneau sur la plage qui dit “Prison. Keep Off” (“Prison. Ne pas s’approcher”). Elle ne savait pas non plus que gisaient sous ses pieds plus d ‘ un million de corps. Car jusqu’à très récemment, la majorité des New-Yorkais ignoraient comme elle que Hart Island était une fosse commune, et l’un des plus grands cimetières des États-Unis. Depuis, tout a changé. Le 2 avril dernier, des images de l’île filmées par un drone ont montré de longues tranchées à moitié remplies de cercueils rudimentaires, et semblant attendre la suite. Depuis le début de la pandémie, New York, plus grand foyer de Covid-19 au monde, a vu pousser des hôpitaux et morgues de fortune. Au bout du chemin, Hart Island accueille en ce moment des nouveaux arrivants par centaines. Ici, cependant, rien de neuf: entre la fièvre jaune, la tuberculose et le sida, ce petit bout de terre sert de témoin à toutes les tragédies locales.