
25 février 2022. À douze livres sterling en taxi de l’aéroport international de Gatwick, en Angleterre, deux couples de retraités boivent des gintonics dans un hôtel du Surrey. Sous sa chevelure blanche, l’un des deux hommes raconte la croisière qui, dans les années 1980, l’avait mené avec son épouse jusqu’à la “magnifique” ville d’Odessa. Une anecdote qui n’est que prologue à une punchline délivrée avec le ton autoritaire conféré par son grand âge et l’absence de plis sur sa chemise. Selon ce septuagénaire, “nous”, l’humanité, nous trouvons alors, ce soir-là, “à deux doigts d’un Armageddon nucléaire”. La veille, la Russie de Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine. Sur le réseau social qui ne s’appelle pas encore X, un correspondant anglophone à Kyiv emprunte la même pente: il cite l’Ancien Testament, et assure que le monde se trouve “dans la vallée de l’ombre de la mort”. La peur est grandement partagée. Sur tous les téléphones du monde ou presque, les gens s’échangent le même genre de message: “Coucou! Alors, prêts pour la Troisième Guerre mondiale?”