Récit

Famille décomposée

Ils étaient une famille sans histoires de Lyman, près de Donetsk. Puis, après dix ans de pression du voisin russe, la guerre est arrivée pour de bon en février dernier, et le clan a éclaté. Un an plus tard, alors que certains sont partis vers l'Ouest et que d'autres sont passés côté russe, pourront-ils reformer une famille un jour?
  • Par Thomas Pitrel, à Lyman, Boutcha et Noisy-le-Sec - Illustrations: Melek Zertal
  • 23 min.
  • Récit
Image composée de portraits de plusieurs personnes avec leurs prénoms : Sergueï, Babouchka, Artem, Jenya, Olya & Andreï, Lena. Une scène centrale montre un groupe autour d'une table. Lyman, 2018.
Illustration: Melek Zertal pour Society

Il existe des villes où lorsqu’il ne se passe rien, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, et Lyman en fait partie. En ce mois d’octobre 2018, le calme qui règne dans cette petite cité de 20 000 habitants de l’oblast de Donetsk a l’air d’un trompe-l’œil. Quatre ans plus tôt, les séparatistes ont été repoussés un peu plus loin par l’armée ukrainienne, puis le front s’est stabilisé. Désormais, pour se rendre à Lyman depuis Kharkiv, il faut passer quelques contrôles d’identité effectués par des hommes à kalachnikov. Et pour se rendre à Donetsk, de l’autre côté de la ligne de démarcation où les combats n’ont jamais cessé, depuis Lyman, il faut une journée, là où il fallait deux ou trois heures avant les événements de 2014 qui ont mené à la création de deux “républiques populaires” soutenues par la Russie. Toujours est-il que dans cette ville que certains appellent encore Krasny Lyman (“Lyman-la-Rouge”), un épithète ajouté par les Soviétiques en 1925 et supprimé par l’État ukrainien en 2015, la vie a repris son cours tranquille. Comme partout, mais peut-être encore plus qu’ailleurs, il y a une odeur à Lyman, mais comment la décrire? Ceux qui vivent là n’en ont souvent jamais connu d’autre. Et ceux qui y passent ne savent pas dire si elle vient des forêts qui l’entourent, des industries qui donnent un emploi aux quelques-uns qui ne travaillent pas pour les chemins de fer, ou de la poudre à canon.

Un an de guerre en Ukraine

Society #199

À lire aussi

Abonnez-vous à Society+ dès 4.90€

Des centaines de docus à streamer.
7 jours gratuits !