
La dernière fois qu’Ilya et Nikita Noujine ont parlé à leur père, Evgueni, c’était par visio, via un appel émis depuis une prison, en août 2022. Incarcéré depuis 1999, il y purgeait une peine de 28 ans de réclusion pour meurtre. Ce jour-là, au téléphone, Evgueni Noujine semblait perdu et effrayé, se rappelle Anastasia, la femme de Nikita, qui a accepté de parler au nom de la famille. Au bout du fil, il avait raconté aux siens qu’un recruteur du groupe paramilitaire Wagner était venu parler aux détenus pour leur proposer de venir combattre en Ukraine, et qu’il avait décidé d’accepter. “On était tous opposés à cette décision, explique Anastasia. Sa femme était en pleurs. Mais il a dit: ‘J’y vais quand même.’” Et c’est ainsi qu’Evgueni Noujine est devenu l’un des milliers de prisonniers russes à s’engager au sein de Wagner en échange d’une promesse de grâce. Depuis cet été 2022, selon les chiffres de BBC News Russian, au moins 240 d’entre eux ont trouvé la mort au combat. Ce qui était au départ un processus de recrutement secret est aussi, avec le temps, devenu un geste admis au plus haut sommet de l’État russe, ainsi qu’un sujet discuté dans tous les médias du monde. Et c’est l’histoire de la vie et de la mort d’Evgueni Noujine qui a permis de le mettre sur la table.