
Il croit que je vais le tuer. Il est immobile et silencieux, assis face à moi, au parloir de la prison de Sierra Chica, une ville de 3 000 habitants située à 370 kilomètres de Buenos Aires. La lumière du soleil qui entre par une fenêtre illumine ses yeux bleus. Il me regarde fixement. Il n’y a aucun gardien autour de nous et il est trop tard pour faire marche arrière. Moi aussi je suis immobile et silencieux. Sur la table, il y a une bible jaunie qu’il lit lors de ses nuits d’insomnie. Mais ça, il me le dira plus tard, parce que pour l’instant, alors qu’il observe mes mains, il suspecte qu’à son premier moment d’inattention -même imperceptible–, je lui planterai un poignard aiguisé dans le dos. Ou que je lui tirerai dessus à bout portant et que je partirai comme si de rien n’était, par la porte par laquelle je suis entré. Et tout sera terminé. Il n’aura même pas le temps de faire le dernier vœu que l’on concède habituellement au condamné à mort: renifler un plat, fumer une cigarette, caresser la photo d’un proche ou crier de rage.