
De loin, cela ressemble à un souvenir joyeux. Élève de première dans un établissement hongkongais à la fin des années 1970, Mark Ip voit un jour son camarade Yong arriver avec un casque orné de mousse orange branché sur une machine bleue striée de boutons. Ip regarde cet objet de la taille d’un gros paquet de cigarettes et s’interroge. De quoi s’agit-il? À quoi cela peut-il bien servir? Yong lui passe le casque en guise de réponse et Mark tombe immédiatement sous le charme. “Le son était incroyable, se souvient-il aujourd’hui, presque un demi-siècle plus tard. La stéréo n’était pas très répandue à l’époque, la plupart des lecteurs étaient en mono, mais là, c’était différent. C’était comme si j’avais découvert le paradis.” Comme souvent, le paradis a un coût: il faut alors débourser environ 1 200 dollars de Hong Kong, soit près de 140 euros actuels, pour s’offrir cette machine flambant neuve répondant au doux nom de Sony Walkman TPS-L2, qui n’est autre que le premier Walkman de l’histoire, comme l’apprend vite le garçon. Un montant tout simplement inaccessible pour un lycéen issu d’une famille modeste. À la joie de la découverte succède alors une envie intense, tenace, démesurée, qui teinte encore cet épisode d’un voile de tristesse. “Ce n’est pas un souvenir très heureux”, admet le sexagénaire, devenu patron d’une boîte d’informatique. La suite, elle, ressemble à une revanche. Avec le temps, Mark Ip a réussi à mettre la main sur des centaines de Walkman, qu’il amasse sans relâche et utilise pour écouter les mixtapes bourrées de tubes des années 1980 et 1990 qu’il aime confectionner. Sa collection apparaît, au compte-gouttes, sur son compte Instagram @BoxedWalkman, suivi par plus de 17 000 personnes.