
1dia1pa, “Un jour, un pain”, est un compte Instagram, mais cela pourrait tout aussi bien être un catalogue, ou un musée en ligne des meilleures boulangeries de Barcelone, leurs pains photographiés comme des natures mortes, chaque fois sous plusieurs angles, d’en haut pour saisir les reliefs et la dorure de la croûte, puis de profil pour montrer l’épaisseur et la consistance de la mie. Figurer dans cette collection est une reconnaissance. Les boulangers de la ville y sont tous abonnés, mais la plupart ignorent l’identité de la personne qui se cache derrière ce compte. La voici. Elle s’attable à un café de la place centrale de Gracia, le quartier le plus branché et le plus gentrifié de Barcelone. Elle s’appelle Annia, elle est catalane. Depuis l’ouverture de sa page Instagram en 2018, elle a assisté en première ligne à un phénomène dont Gracia est l’épicentre: l’explosion des boulangeries artisanales, avec leur esthétique caractéristique (carreaux blancs au mur, comptoir en bois), leurs mots-clés (levain, céréales oubliées, fermentations lentes), leurs files d’attente qui débordent dans la rue, leurs noms mystérieux ou à consonance étrangère. Exemples parmi d’autres: Pan a Mà, Mistral, Origo, Lacatarga, Pa de Kilo, La Fabrique, Oz Bakery, Gluten Tag!, etc. Si vous habitez à Paris, c’est déjà le passé: ces boulangeries ont essaimé si vite que personne n’a vraiment eu le temps de comprendre ni comment ni pourquoi. Pour les autres, ce qui se passe aujourd’hui à Barcelone est votre futur. Un quartier à faible pression immobilière devient à la mode, les loyers montent, une boulangerie s’installe, un atelier de céramique et un caviste nature suivent, la population change. La gentrification, tout simplement.