Inde

Cachemire, loin des yeux

Depuis la révocation en 2019 de l'autonomie du Cachemire, l'État indien a accentué sa répression dans une zone où une insurrection court depuis 35 ans. Des centaines de personnes sont emprisonnées hors de la région afin de limiter au maximum les contacts avec leurs proches ou leurs avocats. Une situation qui touche actuellement le journaliste Irfan Mehraj.
  • Par Guillaume Vénétitay, en Inde, pour Irfan Mehraj
  • 11 min.
  • Reportage
Une rue vide avec des barrières rouges, des bâtiments de chaque côté, et une personne marchant au centre.
Rea / NYT

Danish* a d’épais cernes noirs et un regard qui s’assombrit à chaque fois qu’il évoque la prison de Rohini, à Delhi, la capitale indienne. Il se rappelle son baraquement, où s’entassaient une quarantaine de détenus. “C’est deux fois plus que la capacité normale. L’eau n’arrivait qu’entre 9h et 11h. Et nous n’avions qu’un seul WC”, se souvient ce commerçant, qui a passé 23 mois derrière les barreaux. L’hiver, il a observé d’autres prisonniers être transis de froid, car ils ne pouvaient se payer une couverture à 100 roupies (1,10 euro environ). Durant les étés caniculaires, il transpirait toute la journée, n’avait pas de produit pour se protéger des moustiques. “Et puis, on ne pouvait rien voir de ce qui se passait dehors”, soupire Danish. À l’intérieur de la prison, il se trouvait avec d’autres détenus originaires de sa région, le Cachemire, collée à l’Himalaya et située à 1 000 kilomètres de la capitale. Pour beaucoup de prisonniers, cette distance signifie une raréfaction, voire une absence de contacts avec leur famille, et parfois leurs avocats. “Sans nouvelles, certains parents ne savent même pas si leur enfant est vivant”, souligne un militant des droits humains.


IRFAN MEHRAJ

Âge: 33 ans.
Fondateur du média en ligne Wande Magazine, a travaillé avec The Indian Express, Al Jazeera ou Deutsche Welle (DW).
Arrêté le 20 mars 2023, il est visé par les services antiterroristes indiens car il a été un “proche collaborateur” de Khurram Parvez, le cofondateur de la JKCCS. Cette organisation, où Mehraj a travaillé dans le passé, défend les droits humains mais est accusée par les autorités “de financer des activités terroristes”.
Parvez a été arrêté un an et demi avant Mehraj. Ce dernier est en détention préventive depuis 542 jours et poursuivi pour “conspiration criminelle”, “incitation à la désaffection à l’égard du gouvernement”, “collecte de fonds en vue d’un acte terroriste” ou encore “infraction liée à l’appartenance à un groupe terroriste”.


Reporters sans frontières

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