
Les soirs où elle n’a pas la garde de sa fille sont les seuls moments où Fatima peut se “laisser aller”, selon ses mots. Après le travail, cette quadragénaire passe chercher un plat à réchauffer et se hâte jusqu’à la petite maison de plain-pied où elle vit dans un quartier résidentiel de Dearborn. Ses voisins de gauche ont déjà sorti les décorations d’Halloween: une famille de fantômes. Ceux de droite ont planté un panneau “Trump 2024” au milieu de leur pelouse. “Je ne sais pas lequel des deux est le plus effrayant”, raille-t-elle. Devant chez elle, ni citrouille ni panneau politique. Fin septembre, quand Israël a intensifié ses bombardements sur Beyrouth, elle a juste accroché un petit drapeau libanais sur son porche. Fatima a deux nationalités: américaine et libanaise. Depuis quelques semaines, elle a l’impression de vivre dans deux réalités parallèles. Le jour, dans le cabinet médical où elle travaille, elle “survi[t] en mode automatique”, écoutant d’une vague oreille ses collègues raconter “leur vie normale”: leurs dates ratés, leurs virées shopping…