
Le 20 décembre dernier, au petit matin, les équipes du ministère public et du bureau du procureur général de la nation (PGN) guatémaltèques déboulent à Ciudad Bovel, un minuscule hameau à une vingtaine de minutes en voiture d’Oratorio, au sud-est de Guatemala City. Elles doivent remplir une double mission: extirper plusieurs centaines d’enfants de la secte juive ultraorthodoxe Lev Tahor (“cœur pur” en hébreu) et retrouver le gourou désigné du mouvement, un certain Jonathan Emmanuel Cardona Castillo. Au bout d’une longue route sinueuse cernée d’une végétation sèche, leurs voitures s’arrêtent devant un lourd portail blanc. Autour, quelques rares échoppes, fermées à cette heure matinale. Le bruit des véhicules alerte immédiatement les résidents de ce lieu étrange, qui ont déjà été confrontés aux forces de l’ordre auparavant et dont la stratégie est bien rodée. À peine les vantaux du portail s’entrouvrent-ils que des hurlements d’enfants retentissent. Comme des ombres, des femmes intégralement couvertes de voiles noirs se jettent au sol, agrippées à leurs bambins, dans une extrême confusion. L’altercation devient violente: “Les hommes n’ont pas hésité à frapper certaines de mes collègues, des femmes. J’ai été maltraitée moi aussi, mais ils m’ont plutôt épargnée”, se rappelle Lucrecia Prera, chargée de la protection de l’enfance et de l’adolescence au bureau du procureur général, présente ce jour-là. Elle sait alors qu’elle doit agir vite ; des rumeurs de suicide collectif circulent. Avec ses collègues, Lucrecia Prera s’échine à séparer les bébés de ce qu’elle pense être leurs mères, craignant que celles-ci mettent fin à leurs jours et à ceux de leurs enfants.