
Un après-midi à 1 556 mètres d’altitude, au bout d’un mois de juin flottant. C’est l’heure du goûter, mais l’homme qui s’installe à l’une des tables du refuge de Rosuel, en Savoie, ne peut rien avaler. Il affirme n’avoir croisé quasiment aucun semblable depuis dix jours, souffle, dit avoir “bouffé de la neige, plein pot” au niveau du col du Grand Fond, quelque 30 kilomètres plus tôt. Puis, à mesure qu’il récupère, il se met à détailler son équipement technique, présente son association aidant les sportifs atteints de spondylarthrite ankylosante, avant d’offrir, au vol, l’un des ses secrets: “Avec une plaque de beurre, tu tiens toute la journée.” Voilà un peu moins de 20 jours que Jérôme Bonnet, 53 ans et 55 kilos, est sur les routes de France, porté par un régime cétogène, un indice de masse grasse à 5%, des mollets gonflés comme des ballons et des bâtons fins comme des mikados. “J’ai arrêté de travailler il y a trois ans. Depuis, je vis”, glisse-t-il en allongeant ses jambes sur le banc qui lui fait face. Il refait les comptes: “C’est le premier soir où je me pose un peu depuis mi-juin. Je me suis fixé 70 jours. Au début, je faisais des journées de 60 kilomètres, mais depuis quelques jours, je suis plutôt sur des journées de 40. Chacun son rythme.”