
De nombreuses caméras scrutent l’extérieur de la grande prison d’Alaya. Sous un soleil de plomb, des dizaines de soldats kurdes YPG quadrillent la zone, installés dans de petits abris en tôle, faisant des rondes sur les toits, kalachnikov en main. La paranoïa est de mise dans le Nord-Est syrien, surtout depuis que les attaques du voisin turc ont repris. Fin octobre, les bombardements ont encore causé 18 morts au sein de la population et beaucoup d’infrastructures ont été visées. “Mais ça, c’est rien par rapport à ce que fait Daech depuis des mois”, explique le directeur de la prison, un quadra au visage ridé, maculé de différents traumas. La deuxième semaine de septembre, seize personnes ont été tuées dans douze attaques de l’État islamique survenues dans la province de Deir ez‑Zor. Le 28 septembre, des djihadistes armés de fusils d’assaut abattaient deux membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) à Al‑Shuhayl. Les Américains ont répliqué dès le 11 octobre en menant des frappes aériennes sur plusieurs camps d’entraînement de Daech en Syrie. “La période est très mauvaise et tout le monde le sait, précise le directeur en allumant son énième cigarette de contrebande. Surtout nos prisonniers de Daech, qui ne disent rien mais qui attendent… Il ne faut pas se fier aux apparences: quand tu les interroges, ils auraient tous été boulangers sous le califat, garagistes, infirmiers ou je ne sais quoi. Des petits anges. Mais on sait que la grande majorité de ceux qu’on garde ici a massacré de sang-froid. Moi, en 2017, j’étais à la bataille de Raqqa. Je sais de quoi ils sont capables.”