
Vous n’avez pas vu le piège se refermer sur vous, c’est allé trop vite. À 130 km/h, précisément. Tout a commencé par une apparition sur le bord de la chaussée, derrière la glissière de sécurité, parfaitement placée dans une longue ligne droite bordée par le paysage le plus inintéressant de la planète: des champs de maïs. Vous n’aviez rien d’autre à faire que de regarder la route et, manque de chance, les enfants non plus. Alors, évidemment, ça n’a pas manqué: “Pourquoi il y a un gros champignon avec un bonhomme dessus?” La route serpente dans ce bout de France que l’on appelle la Saône-et-Loire, que vous n’avez jamais visité, que vous ne visiterez jamais (et vous avez bien tort). Pour tout le monde, c’est surtout l’autoroute A6, qui file vers le grand Sud. Une route rectiligne, ponctuée de panneaux remarquables: “Brancion, cité médiévale”, “Cormatin, château et jardins”. Des éoliennes ont succédé à des troupeaux de tournesols, des vaches, du vert, à l’infini. Et soudain, cette foutue moulure de lutin sur un gros champignon jaune, sculptée de manière à donner l’impression aux enfants qu’il leur fait coucou. Un panneau annonce: “Aire de Jugy – 15 km”. Vos gamins se sont redressés sur leur siège.


Pourquoi s’arrête-t-on sur une aire d’autoroute? Parce qu’on peut y acheter de vrais couteaux Laguiole et du fromage de région, comme à celle des Volcans d’Auvergne. Parce que l’essence y est moins chère qu’ailleurs, comme au Leclerc de celle d’Achères-la-Forêt, région Seine-et-Marne. Ou parce que, la fatigue gagnant progressivement les cuisses, la faim les estomacs et l’ennui les têtes, l’être humain finit toujours, au bout d’un temps, par mettre le clignotant à droite. Il se dit qu’il est plus facile de le faire à Jugy qu’ailleurs. L’aire qui s’y niche, au kilomètre 352 de l’axe Paris-Lyon, est stratégiquement placée à moins de quatre heures de route de la capitale, juste avant Mâcon. La distance parfaite pour un stop à l’heure du déjeuner dans le sens de la descente. Et surtout, donc, elle est un aspirateur à enfants.