
On parlait déjà du retour de la guerre civile, à l’époque. D’une Amérique désenchantée, coupée en deux, écartelée entre ceux qui pleuraient la perte des valeurs d’antan et ceux qui, à l’inverse, appelaient à tout remettre en cause pour avancer vers des lendemains plus justes. On en parlait à la télévision, dans les journaux, dans les bars, à la maison, on en parlait si on avait les cheveux longs et on en parlait si on avait les cheveux ras. On descendait dans la rue pour se compter, se mesurer, se rassurer, s’impressionner. La tension montait. Et puis, fatalement, les morts sont arrivés. Le 4 mai 1970, il est 12h24 sur le campus de l’université Kent State quand la Garde nationale de l’Ohio ouvre le feu sur des étudiants anti-guerre du Vietnam venus manifester contre l’intervention de l’armée américaine au Cambodge. Des dizaines de protestataires tombent à terre. Quatre ne se relèveront jamais: Jeffrey Miller, 20 ans, touché d’une balle en plein visage ; Allison Krause, 19 ans, atteinte à la poitrine ; William Knox Schroeder, 19 ans, touché à la poitrine également ; et Sandra Lee Scheuer, 20 ans, atteinte au cou.