
La maison est plantée au carrefour formé par Oak Street et la 30e rue, deux voies sans âme qui tracent tout droit à travers les zones résidentielles de Phoenix, Arizona, sans jamais s’arrêter. Avec ses murs plus tout à fait roses et ses morceaux de carton qui font parfois office de rideaux, elle paraît avoir été abandonnée il y a quelques mois, peut-être même quelques années. Seule une machine à laver, tournant à toute allure devant la porte d’entrée dans un vacarme d’enfer, indique le contraire. En s’approchant, on distingue aussi les faisceaux bleutés d’une télévision allumée, qui s’éteignent net au bruit de la sonnette. “Qu’est-ce que vous voulez?” lance, en espagnol, une voix masculine à l’intérieur. Puis la porte finit par s’ouvrir dans un interminable cliquetis de serrures et de loquets. “Pardon, je suis devenu un peu parano…” s’excuse un jeune homme, repassé à l’anglais.
Arnol –“comme Schwarzenegger mais sans ‘d’”, précisera-t-il plus tard – arbore un t-shirt un peu trop large qui sent la lessive, des tongs de piscine et un sourire qui fait ressortir sa peau mate et rasée de près. Dans le quartier, il a aussi hérité d’un surnom: “le Miraculé”. Car il n’y a pas si longtemps, il a vu, comme il le dit lui-même, “la mort de très, très près”. C’était le 11 juillet dernier, à un autre carrefour, 200 mètres plus loin. Cet après-midi-là, Arnol, 22 ans, rentre chez lui au volant de sa vieille Honda rouge deux places. Son neveu de 4 ans est assis sur le siège passager. Il freine devant le panneau stop quand une longue BMW noire venant d’en face s’approche au ralenti, puis s’arrête juste à son niveau. La vitre côté conducteur s’abaisse. “Là, je me suis retrouvé nez à nez avec un type que je n’avais jamais vu de ma vie. Il m’a regardé droit dans les yeux de façon très intense, sans rien dire. Je me suis senti comme un animal face à un prédateur. Je l’ai vu attraper quelque chose. C’était un flingue. Il l’a pointé dans ma direction et il a tiré. Deux fois.”