ENQUÊTE

Le tireur roule toujours

Phoenix le connaît comme le serial street shooter: un automobiliste qui se promène au volant de sa voiture dans la ville, et tire au hasard sur les gens. Résultat: sept morts, deux blessés, et aucun indice ou presque. Derrière ce scénario de thriller devenu réalité, la capitale de l'Arizona révèle toutes ses failles: pauvreté chronique, émigration hispanique clandestine, culture des armes à feu.
  • Par Emmanuelle Andreani-Facchin
  • 24 min.
  • Enquête
Vue depuis l'intérieur d'une voiture, on aperçoit une maison en briques rouges avec une clôture blanche et une bouche d'incendie jaune sur la pelouse. Dans le rétroviseur, on voit un bâtiment en arrière-plan.
Jesse Rieser

La maison est plantée au carrefour formé par Oak Street et la 30e rue, deux voies sans âme qui tracent tout droit à travers les zones résidentielles de Phoenix, Arizona, sans jamais s’arrêter. Avec ses murs plus tout à fait roses et ses morceaux de carton qui font parfois office de rideaux, elle paraît avoir été abandonnée il y a quelques mois, peut-être même quelques années. Seule une machine à laver, tournant à toute allure devant la porte d’entrée dans un vacarme d’enfer, indique le contraire. En s’approchant, on distingue aussi les faisceaux bleutés d’une télévision allumée, qui s’éteignent net au bruit de la sonnette. “Qu’est-ce que vous voulez?” lance, en espagnol, une voix masculine à l’intérieur. Puis la porte finit par s’ouvrir dans un interminable cliquetis de serrures et de loquets. “Pardon, je suis devenu un peu parano…” s’excuse un jeune homme, repassé à l’anglais.
Arnol –“comme Schwarzenegger mais sans ‘d’”, précisera-t-il plus tard – arbore un t-shirt un peu trop large qui sent la lessive, des tongs de piscine et un sourire qui fait ressortir sa peau mate et rasée de près. Dans le quartier, il a aussi hérité d’un surnom: “le Miraculé”. Car il n’y a pas si longtemps, il a vu, comme il le dit lui-même, “la mort de très, très près”. C’était le 11 juillet dernier, à un autre carrefour, 200 mètres plus loin. Cet après-midi-là, Arnol, 22 ans, rentre chez lui au volant de sa vieille Honda rouge deux places. Son neveu de 4 ans est assis sur le siège passager. Il freine devant le panneau stop quand une longue BMW noire venant d’en face s’approche au ralenti, puis s’arrête juste à son niveau. La vitre côté conducteur s’abaisse. “Là, je me suis retrouvé nez à nez avec un type que je n’avais jamais vu de ma vie. Il m’a regardé droit dans les yeux de façon très intense, sans rien dire. Je me suis senti comme un animal face à un prédateur. Je l’ai vu attraper quelque chose. C’était un flingue. Il l’a pointé dans ma direction et il a tiré. Deux fois.”

Society #43

Une personne à cheval se tient devant un groupe aligné de policiers en tenue anti-émeute dans un paysage désertique.
Photos: Zen Lefort pour Society

« Nous devons couper la tête du serpent noir »

Lakotas, Cherokees, Apaches, Iroquois, Comanches. En quelques mois, ils sont des centaines à s'être mis en route pour rejoindre Standing Rock, au beau milieu du Dakota du Nord, pour former ce qui est devenu le plus gros rassemble d'Amérindiens depuis les manifestations de Wounded Knee en 1973. Au cœur de leur combat: empêcher qu'un pipeline ne dénature leurs terres sacrées. Et, plus largement, "ouvrir les yeux" de l'Amérique blanche sur leur funeste sort.
Des hommes enveloppés dans des couvertures en Mylar dorment sur le sol et les bancs en béton. Un homme boit de l'eau directement d'un bidon, partagé par de nombreux détenus.
Dr

Dans l’enfer des glacières

Les migrants venus du Mexique les connaissent sous le nom de hieleras, les glacières. En Arizona, du côté américain de la frontière, la police entasse dans des centres de détention frigorifiés des centaines d'hommes, femmes et enfants dont le seul crime est d'être entrés illégalement aux États-Unis. Prévues pour être provisoires, les hieleras sont, en réalité, le plus souvent de véritables prisons. Jusqu'à quand?
Illustration pour Les soldats oubliés
Mario Rodriguez, expulsé en 2005.Photos: Robert Benson pour Society

Les soldats oubliés

Ils ont servi l'armée américaine et l'Amérique leur avait promis leur naturalisation en retour. Mais pour des milliers de soldats immigrés, le rêve a tourné au cauchemar: la nationalité américaine n'est jamais arrivée, et au moindre accroc avec la justice, ils ont été expulsés dans le pays d'origine de leur famille. Reportage au Mexique, à Tijuana, où, à proximité de la frontière, des dizaines de banished veterans survivent tant bien que mal.
Illustration pour Certains late show

Certains late show

La télé américaine ne serait pas ce qu'elle est sans les late shows, émissions nocturnes et humoristiques où vedettes hollywoodiennes, pop stars et politiciens de premier rang se précipitent pour étaler leur “coolitude”. Et ça marche: plus populaires que jamais, ces shows influencent considérablement la conscience politique des 18-24 ans. En pleine course présidentielle américaine, plongée dans les coulisses de la télé la plus puissante (et la plus drôle) du monde.

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