
Posé sur le trottoir, le frigo a été repeint en bleu, avec un grand soleil jaune qui porte des lunettes. Sur l’un de ses flancs est écrit “Everybody eats-Los Angeles”. À côté, il y aune étagère où reposent les classiques désuets de l’idée que l’on peut se faire de la bouffe américaine. Des conserves de haricots Campbell’s, du pain de mie en sachet baptisé french bread. Et puis des filets de citrons verts ou des piments, qui racontent les origines et habitudes culinaires des habitants de Lincoln Heights, quartier situé au nord-ouest du Downtown et à 70% latino. Et puis encore une petite étagère où des livres ont été posés et que chacun peut embarquer. En ce milieu de matinée, les gens passent régulièrement ouvrir la porte du frigo, se servir ou simplement y jeter un coup d’œil, comme on s’arrêterait à une épicerie ou au rayon d’un supermarché. Sous l’effet de l’augmentation de l’insécurité alimentaire causée par la pandémie de Covid-19, une vingtaine de community fridges comme celui-ci ont fait leur apparition dans la cité californienne depuis début juillet. Des frigos où chacun peut déposer ou prendre gratuitement de quoi manger pour la journée. Certains se servent, d’autres donnent. Les deux catégories se croisent rarement. Aujourd’hui, la plupart des femmes qui passent sont âgées, certaines aidées par un déambulateur. Elles ne parlent pas l’anglais, mais envoient en l’air des “muchas gracias” au ciel, à Dieu, à ceux qui ont eu l’idée de ce frigo ou plus sûrement à ceux qui sont passés le remplir.