
Le silence qui enveloppe le lieu est de ceux qui annoncent le bruit et la fureur. Un vieil homme, enfoncé dans une chaise de campeur, donne l’impression d’attendre un signal. Il regarde, immobile, la colline de terre poussiéreuse qui grimpe devant lui, sa main droite plaquée sur la crosse de son fusil. Autour de lui s’étalent, sur des kilomètres, le Colorado et la chaîne de montagnes qui le traverse, les Rocheuses. “Mettez vos bouchons d’oreilles!” crie soudain une voix derrière lui. C’est John, 32 ans, un gros gabarit à la voix grave, occupé à charger de balles son AR-15, une arme qui s’est distinguée lors des dernières tueries de masse aux États-Unis. Deux autres hommes s’avancent à leur tour et se mettent à tirer sur des cibles grimées en humains. Avant qu’un cinquième type reconnaissable à son tatouage “Si vis pacem, para bellum” (“Si tu veux la paix, prépare la guerre”) les rejoigne, l’air décidé. “On essaie de s’entraîner le plus souvent possible, explique Caleb Patton, 34 ans, posté derrière eux. On veut que nos gars soient prêts le moment venu.” À quoi? “À toute éventualité.” Lui et “ses gars” font partie de l’IPG, l’Iron Protection Group, une entreprise de vétérans américains de retour sur le terrain pour protéger les commerces et entrepôts de cannabis des États du Colorado et de la Californie. Des lieux désormais ciblés par les gangs et voleurs en tous genres pour la manne financière qu’ils représentent.