
L’ambiance est bonne aujourd’hui. La fille d’Hector, 11 ans, vient d’obtenir une excellente note en maths. Et quand Hector Barajas est content, il pousse le volume à fond: Talk Talk succède à Simple Minds dans une séquence nostalgique synonyme pour lui d’insouciance, d’adolescence et de Californie. D’ailleurs, il y a des drapeaux américains partout dans la pièce, punaisés sur toute la largeur des murs, scotchés aux fenêtres, cloués au plafond. Des Star-Spangled Banner classiques, en tissu ; d’autres en fond d’écran de PC bon marché ; d’autres encore dessinés sur papier par des mains fébriles, avant d’être encadrés. Cinquante étoiles blanches sur rectangle bleu multipliées à l’infini, placées sous le regard d’une figurine Captain America encore sous vide.
Le super-héros, posé sur une étagère, semble contempler son modeste royaume: un studio d’une vingtaine de mètres carrés, composé de chaises bien alignées, d’une petite télé et de trois bureaux disposés en triangle, chacun muni d’un ordinateur et d’un téléphone. Sommaire, vétuste, efficace et organisé. Dans ce quartier de Tijuana, ville frontalière située à l’extrême nord-ouest du Mexique, tout le monde appelle l’endroit “The Bunker”. Officiellement, il s’agit de la Deported Veterans Support House. Un centre d’accueil, de soutien et d’hébergement pour les vétérans de l’armée expulsés du territoire américain après leur service.