
À de longues heures de route de toute métropole, au sud-ouest des Appalaches, il est une région à la merci des vagues. Entre les flancs de montagne arborés du comté de Buchanan et jusqu’aux frontières du Kentucky et de la Virginie-Occidentale, une plante en apparence inoffensive est en train de s’emparer du territoire. Le kudzu, espèce originaire d’Asie subtropicale proche du lierre, a été importé au début du XXe siècle pour lutter contre l’érosion des sols de ce petit coin accidenté de Virginie. Puis, sans que l’on s’y attende, il s’est mis à galoper, incontrôlable, le long des lignes téléphoniques, des rails en bord de route, jusqu’à engloutir les bâtiments, les pick-up abandonnés, tout ce qui se dressait sur son passage. Le long de la route 83, qui serpente entre les monts escarpés des Appalaches, la plante s’est pourtant, aujourd’hui, trouvé un rival de taille. Des pancartes bleu marine plantées partout là où il y a de l’espace, et qui toutes affichent le même message: “Trump/Pence, Make America great again”. Le terrain, dévasté économiquement et avec une population à 97% blanche, semble tout à fait fertile pour le démagogue républicain. Les chiffres le confirment: le comté de Buchanan a soutenu Trump à 69,7% lors de la primaire républicaine de début mars. Soit le meilleur score réalisé par le businessman à un moment où la course n’était pas encore gagnée d’avance. Un résultat d’autant plus frappant que le comté votait, pas plus tard qu’en 2008, trois fois plus aux primaires démocrates qu’aux républicaines. Que s’est-il donc passé dans ce petit coin pour que la situation s’inverse ainsi? “La crise”, répondent ses habitants. En laissant le choix de la thématique: économique, industrielle, identitaire, sanitaire.