
Il était parti pour documenter la violence de la guerre chez ceux qui la subissent. Il est revenu avec des photos de bouées gonflables. Il y a quelques semaines à peine, dans un taxi pour Odessa, le photographe italien Matteo de Mayda apprend que les habitants de la station balnéaire ukrainienne, située au bord de la mer Noire, commencent à regagner les plages avec l’arrivée de l’été. Il suit alors le mouvement. “Sur la plage, il y avait des femmes avec les ongles parfaitement vernis, très bien habillées. Un soir, je suis même allé dans un restaurant chic avec des gens du coin, témoigne-t-il. En fait, les gens en ont marre de se cacher à chaque fois qu’un missile menace de tomber, donc ils se mettent à vivre comme si de rien n’était.” Car Odessa, au bout de deux ans et demi de guerre, continue d’être pilonnée. Environ six ou sept fois par jour, la troisième ville d’Ukraine fait l’objet d’alertes aériennes à la suite de tirs de missiles balistiques russes depuis la Crimée voisine. Le 15 mars dernier, 20 personnes sont ainsi mortes après une double frappe à quinze minutes d’intervalle, soit l’attaque la plus meurtrière pour la ville depuis le début de l’invasion russe. Du reste, malgré les efforts pour la tenir à distance, la guerre se voit aussi à la plage. Sur Arcadia Beach, raconte le photographe, “les hommes ont tous moins de 25 ans ou plus de 60 ans. Ceux qui ne veulent pas rejoindre l’armée restent cachés chez eux. Les militaires ne vont pas les chercher dans leur maison, mais ils les arrêtent s’ils les croisent dans la rue”. Désormais rentré en Italie, Matteo de Mayda prévoit de repartir à Odessa bientôt, toujours sur les traces de cette “recherche de normalité”. Malgré les affiches de propagande, le bruit constant des générateurs électriques, le contreplaqué sur les fenêtres et les panneaux “attention aux mines”. “J’ai entendu parler d’histoires de gens, de réouverture de clubs, de déploiement de la scène artistique, dit-il. C’est dans un tel contexte que les artistes ont besoin de dire au monde ce qu’ils ont vu.”











