
Le diamant est-il trop brillant? Jamais jusqu’ici Fabien ne s’était posé de question sur le scintillement de sa boucle d’oreille. Il vit avec et ne l’enlève sous aucun prétexte. Mais à l’heure de faire ses grands débuts sur LinkedIn, il s’est interrogé. Faut-il poser avec son bijou sur sa photo de profil? “Ça m’a bien pris la tête. Je le mets? Je le mets pas? Ça fait pas sérieux? Et puis, je me suis dit que ça faisait partie de moi”, tranche avec recul le lycéen, scolarisé dans l’Hérault. Il décide donc de le conserver, mais opte pour une mise en scène ultrasobre: fond blanc, chemise blanche, éclairage minimal, coiffure sage et sourire mollasson.
Fabien s’est mis sur “ling-gueding” pour préparer sa future carrière dans le médical. Il considère le réseau social comme un tremplin. Mais à 17 ans, difficile “d’envoyer du rêve”, comme il dit. Pour commencer, Fabien ne trouve pas le statut “lycéen”. Il se rabat alors sur un drôle d’intitulé: “étudiant chez lycée polyvalent”, en précisant “à temps plein”. Quelques lignes plus bas, le jeune homme dévoile ses ambitions en se décrétant “futur employé dans le médical”. La plateforme ajoute “depuis 8 mois”. Fabien trouve ces associations boiteuses, mais poursuit et vide toutes ses munitions. Il détaille son cursus en terminale ST2S, pour “sciences et technologies de la santé et du social”, mentionne l’obtention de son brevet de secouriste, sa maîtrise du défibrillateur automatique et son intérêt pour l’agence d’intérim Manpower. Il pense ajouter ses hobbies, le running et le CrossFit, mais son grand frère l’en dissuade. “Il m’a dit: ‘Sur LinkedIn, c’est que le professionnel.’” Problème: Fabien a zéro boulot et aucun stage à faire valoir. Alors il s’arrange avec la réalité et déclare vivre “dans la région de Montpellier”. “C’est plus sérieux. Le nom de ma ville, ça fait vacances. Je ne veux me fermer aucune porte et explorer tous les horizons. C’est à ça que ça sert LinkedIn, non?”