
Ces jeunes femmes ont dans le visage quelque chose des portraits de Picasso. Dessinées au moyen d’un trait de fusain appuyé, elles ont chacune les sourcils fiers, des yeux qui s’étirent comme de délicieux calissons et cette bouche au rouge terrible qui pourrait être une morsure. On dirait des Dora Maar sans le cubisme, séduisantes et terrorisantes à la fois. Hypnotisantes. Elles sont seize et les États-Unis les ont soudainement découvertes au milieu de l’hiver 2018 dans les journaux et sur toutes les chaînes de télévision du pays. Une diffusion exceptionnelle orchestrée par l’état-major du FBI. L’homme qui a dessiné ces femmes avec minutie, et sans doute une certaine passion, est aussi celui qui dit les avoir tuées. Samuel Little. Croupissant aujourd’hui en prison, c’est un vieux bonhomme, soupçonné d’avoir tué 93 personnes au cours des quatre dernières décennies, d’une côte à l’autre. En novembre dernier, il confessait d’ailleurs lui-même cette farandole de crimes. De quoi faire trôner confortablement son nom de Monsieur Tout-le-Monde au sommet du panthéon des serial killers nationaux. En 2016, à l’heure de le condamner à une perpétuité non négociable pour une suite de trois meurtres, la procureure du comté de Los Angeles, Beth Silverman, s’empourprait: “Samuel Little s’est joué de notre système judiciaire. Il a couvert les États-Unis de honte.”