Reportage

Mondo Chao

Où était passé Manu Chao? Alors qu'il sortira dans quelques semaines son nouveau disque, Viva Tu, Society l'a suivi pendant plusieurs mois et plusieurs milliers de kilomètres entre l'Argentine et la France, le Chili et l'Italie, sur fond d'une tournée sans fin qui raconte ceci: même 17 ans après son dernier “vrai album”, l'homme de Clandestino, toujours capable de remplir n'importe quelle salle de n'importe quel pays du monde, n'a en vérité jamais cessé d'être là. Et revient toujours sur ses traces.
  • Par Joachim Barbier et Rico Rizzitelli
  • 40 min.
  • Reportage
Un homme portant une casquette joue de la guitare avec passion, affichant un sourire enjoué. La scène est éclairée par une lumière rouge, créant une ambiance intense.
Cristóbal Olivares

C’est un décor pour Anglais à la retraite, en quête de campagne bucolique et de fin de vie épicurienne. Mais ce jour de juin, Varaire, à une demi-heure de route de Cahors, la préfecture du Lot, est le centre du monde. Le village de 380 habitants s’apprête à accueillir une date de la tournée mondiale de Manu Chao. Devant la mairie, l’hôtel-restaurant Les Marronniers, un gîte étape de la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, assiste à la bascule. Sur la terrasse, les retraités marcheurs en sandales-chaussettes croisent les premiers fans de l’artiste. L’état d’usure du t-shirt “Mano Negra” ou “Radio Bemba” de ces derniers ressemble à un passage au carbone 14 de leurs années de fidélité. Certains sont à peine plus jeunes que les randonneurs de la spiritualité, mais eux préfèrent la bière au diabolo. Un autre signe que quelque chose se prépare: en ce milieu d’après-midi, on entend finalement beaucoup plus parler espagnol qu’anglais dans les quelques ruelles du village. Et chanter, aussi. À l’ombre du perron d’une maison, un groupe d’amis reprend en chœur un titre de rumba catalane qui parle de “milagro”. Manu Chao à Varaire, c’est effectivement quelque chose qui pourrait ressembler à un miracle.

Et puis, vers 21h, il monte sur scène. Au taquet. En applaudissant les presque 2 000 personnes rassemblées devant la scène posée dans un champ. “Comment ça va?” À 63 ans et après plus de 40 ans de carrière, l’ex-chanteur de la Mano Negra ressemble en tous points à celui qu’il était à ses débuts, imbibé de la même furia des années 1980 qui l’ont vu naître aux yeux du monde. Tout juste a-t-il, avec le temps, émincé l’accompagnement musical pour ne garder que l’essentiel. Fini les big bands à géométrie variable, les quinze personnes qui bondissent sur la scène, les potes qui débarquent juste pour ajouter de l’énergie au moment: Manu Chao est désormais en version acoustique, accompagné de deux musiciens seulement. Lucky Salvadori, un jeune Argentin joueur de bichito, une petite guitare originaire de Cordoba, qu’il a rencontré au hasard sur une plage de Santa Marta, en Colombie, et enrôlé presque illico ; et Miguel Rumbao, un percussionniste galicien. Et donc lui, au milieu, derrière sa guitare et assis sur un tabouret. Toujours coiffé de sa casquette qu’il porte comme Che Guevara, toujours vêtu d’un pantacourt en jean ou treillis, et toujours avec, sur les épaules, le maillot d’un obscur club de foot ou de basket sud-américain. Ce jour-là, c’est celui du club chilien du Deportivo Palestino. Une dégaine immuable de personnage de bande dessinée, sorte de Peter Pan de l’ alter-left. Le poing levé, il demande au public: “On y va, Varaire? Vous êtes prêts, Varaire?” Varaire est plus que prêt: Varaire n’attend que ça.

Society #239

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