
31 décembre 2020. Après douze heures de service exténuantes au bar du Riverwind Casino d’Oklahoma City, Rebecca Hogue, 28 ans, rentre chez elle vers 4h du matin. Elle habite Norman, en banlieue proche. La maison est silencieuse. Son fils, Ryder, âgé de 2 ans, semble dormir paisiblement dans sa chambre. Tout comme son compagnon, Christopher, le beau-père de Ryder. Elle se couche. Lorsqu’elle se réveille, son conjoint a disparu. La jeune mère s’inquiète et se rend immédiatement dans la chambre de son fils. Elle trouve son corps inanimé. Sa peau est froide: décédé depuis plusieurs heures, il était déjà mort quand elle est rentrée du travail dans la nuit. Une chasse à l’homme est lancée. Quelques jours plus tard, Christopher est retrouvé pendu dans une forêt des montagnes Wichita. Sur un arbre, il a gravé l’inscription suivante: “Rebecca est innocente.”
L’enquête établit rapidement que c’est bien Christopher Trent qui a tué Ryder, pendant que Rebecca était au travail. Pourtant, la mère du garçon est arrêtée. Son crime supposé: ne pas avoir su protéger son enfant. En vertu de la loi locale “Failure to protect ” (“Défaut de protection”), elle est accusée de meurtre. “Ce bébé a été littéralement torturé à mort, et sa mère n’a rien fait pour le protéger. Nous devons rendre justice à ce bébé”, déclare alors Greg Mashburn, procureur du comté. Les enquêteurs chargés du dossier estiment de leur côté qu’elle ne devrait pas être mise en cause. Dans un enregistrement audio qui a depuis fuité, l’inspecteur Sean Judy qualifie même les accusations d’“abus de pouvoir”. Qu’importe, le procès aura bien lieu. En novembre 2021, un jury populaire déclare Rebecca Hogue coupable du meurtre de son fils et recommande la réclusion criminelle à perpétuité. Pour l’accusée, c’est peu dire que la peine est double: après avoir perdu son fils, la voici condamnée à la prison à vie pour le meurtre de celui-ci. “En Oklahoma, nous ne nous contentons plus de juger les auteurs des faits. Lorsque des enfants sont impliqués, les procureurs s’en prennent aussi à ceux qui auraient pu, en théorie, empêcher ces crimes. Et la loi les autorise à leur imputer les mêmes infractions que celles reprochées à l’auteur. Christopher s’était suicidé, alors il fallait trouver un(e) autre coupable”, s’insurge aujourd’hui Andrew Casey, l’avocat de Rebecca. D’autant que le fameux texte “Failure to protect ” de l’Oklahoma laisse une grande place à l’interprétation, permettant de poursuivre une personne qui “savait ou aurait dû savoir” que l’enfant confié(e) à l’auteur(rice) des violences encourait des risques. Christopher Trent avait des antécédents judiciaires: quatre condamnations pour conduite en état d’ivresse et refus d’obtempérer. Et donc, selon le procureur et les jurés, Rebecca “aurait dû savoir” qu’il tuerait probablement son fils.