
Sur la table du petit salon trône un livre unique, La Victoire stratégique, de Fidel Castro Ruz. Nayib Bukele ne l’a pas encore lu. Mais le jeune homme, 35 ans, veste bleue ornée des armoiries de San Salvador, partage l’ambition du Lider Maximo: gagner et changer son pays. Ce soir, monsieur le maire a convié à dîner son cercle de fidèles. Olga, sa mère. Karim, le frère, bras droit et complice, visage et lunettes d’intellectuel. Et puis son conseiller spécial, Ernesto Castro, qui passe son cigare dans la flamme d’un briquet, Mario Duran, élu au conseil municipal, leurs épouses, les oncles, les nièces. Gabriela, la femme de Nayib, coordonne l’arrivée des plats en débouchant un vin rouge salvadorien. Avant de passer à table, le clan se presse devant la télévision. Sur l’écran, Nayib fait face au pasteur Toby, l’une des stars des talk-shows évangélistes salvadoriens. Le maire de San Salvador attaque sur tous les fronts. Il dit que le Salvador est un arbre qui n’a jusqu’alors donné que de mauvais fruits, et qu’il n’y a qu’une solution: couper le tronc et replanter. Autour de la table, la discussion tourne vite autour de l’avenir de “ce pays où l’on peut petit-déjeuner à la plage, manger dans la montagne et sortir le soir en ville”, vante Ernesto Castro. Ce pays, aussi, où l’on meurt beaucoup plus vite qu’ailleurs.