
La gymnastique est classique: pour convertir les degrés Fahrenheit utilisés outre-Atlantique en leurs cousins Celsius pratiqués en Europe, il faut effectuer une soustraction de 32 points puis une division par 1,8. Ainsi, le chiffre “142” affiché en pointillés rouges sur le compteur de cette grosse voiture tout-terrain immatriculée dans le Nevada doit se lire comme ceci: 61 degrés Celsius. Il fait chaud, donc. Et sec, aussi. En vrai, ici, l’air n’est rien d’autre qu’une toile épaisse capable d’étouffer illico quiconque déciderait de s’aventurer loin de l’ombre ou d’un climatiseur. À croire alors qu’Arden Bundy est immortel. S’échappant de son 4×4 rafraîchi par l’air conditionné, le jeune homme plonge la tête la première dans la chaleur sans la moindre difficulté. Sous son large chapeau à bord retroussé, il sourit. “C’est comme un ours polaire, mâchouille-t-il. Là-bas, en Antarctique, il gèle, mais l’ours est habitué. Eh ben moi, c’est pareil. Je suis l’ours du désert.
Ce qui ne l’empêche pas de goutter pour autant. Arden Bundy ôte son couvre-chef, essuie d’un revers de manche la sueur qui perle sur le haut de son front. Puis il réajuste son jean taché de poussière, tenu par une grosse boucle de ceinture sur laquelle est plastronné un fier: “All cowboy around”. Et reprend: “Je suis né ici et je peux vous dire que c’est un endroit magnifique. Vous ne me ferez partir pour rien au monde.” Devant lui s’étend un paysage de rien, ou presque. Une terre du milieu faite de collines, sur lesquelles seule la pierre semble bien vouloir pousser.