
La mer est calme. Le 13 septembre 1973, l’été s’achève paisiblement dans la baie de Follonica, en Toscane. Vers 23h, trois hommes à bord d’une vedette volée voguent discrètement en direction d’un pétrolier de 30 mètres de long, le Scarlino Secondo, propriété de la compagnie Montedison. Celui-ci devait être à quai, mais il mouille au large. Cela tombe mal: les trois hommes avaient prévu de le faire exploser en posant leurs bombes sur le ponton. “Tout était étanche sauf la mise à feu”, dévoile, cinq décennies plus tard, Jean-Pierre Susini, l’artificier de l’opération, aujourd’hui berger de 75 ans. À l’avant du Scarlino, l’équipage clandestin distingue une silhouette. La vedette remet les gaz, laissant le commando pagayer vers l’objectif à bord d’un zodiac. La mise à feu est fixée à la chaîne de l’ancre. “On a remonté le réveil, dit Susini. Puis on est partis.” Entre la baie toscane, planquée derrière l’île d’Elbe, et le cap Corse, d’où les trois hommes sont originaires, la mer Tyrrhénienne s’étend sur environ 54 milles marins, soit près de 100 kilomètres. Le chemin du retour est long. Assez pour gamberger et se demander si la mission a été bien accomplie. Mais Jean-Pierre Susini, lui, est serein. “On avait fait des essais sous l’eau, et ça avait été concluant, raconte-t-il aujourd’hui, attablé au PMU de Santa Severa, un petit port dans l’est du cap Corse, indiquant d’un coup de menton la plage de l’autre côté de la route. Ça a pété une heure après. On était déjà loin. Puis je suis rentré chez moi. Il fallait bien traire les brebis.”