
David attrape la théière marocaine posée sur la table de camping. Il la soulève, de plus en plus haut, jusqu’à une trentaine de centimètres au-dessus de son verre, pour y faire couler un long filet d’eau chaude, à la manière berbère. Une technique qui permet d’aérer le breuvage et d’en faire ressortir les saveurs de menthe. Il est 7h. Le trentenaire est déjà debout depuis une demi-heure, à temps pour apercevoir le tableau qu’offre la grande plaine du désert marocain: de larges traînées roses et orangées comme des coups de pinceaux dans un ciel sans nuages. Ce matin de décembre, il se trouve à plus de 2 700 kilomètres de son deux-pièces lyonnais, mais les habitudes ont la vie dure. Il s’est donc levé tôt. Là-bas, en France, il boit plutôt du thé rooibos amande, puis lance un stream sur Twitch comme d’autres allumeraient la radio. Il écoute Dokhy (28 000 abonnés) disserter sur TFT, un jeu vidéo de combat. Avec le bruit de fond et l’image qui tourne, David a l’impression de petit-déjeuner moins seul. Il peut écrire des commentaires, interagir avec d’autres viewers qui, comme lui, cherchent à masquer le silence par une présence. “On dit que les jeux vidéo isolent, mais ça peut aussi créer du lien”, assure-t-il. D’habitude, cet ancien chercheur en écologie microbienne se serre ensuite contre des inconnus dans le tram ou enfourche son vélo jusqu’au quartier de Gerland, au sud de Lyon, où il travaille désormais pour un laboratoire pharmaceutique.