
Elle jure ne plus venir très souvent mais aujourd’hui, Christelle n’a pas pu s’en empêcher. Et puis il y a eu des “signes”, des “messages”, une fleur notamment. “Vous voyez cette rose bicolore?” Elle désigne l’offrande déposée sur la tombe, comme soudain prise d’extase. “Et vous voyez mon haut?” Elle montre sa veste blanche striée de jaune d’un air d’évidence, et la petite assemblée suit son regard, interloquée. “Eh bien, il est bicolore aussi! C’est incroyable, c’est saint Léonard, ça. Il m’envoie des signes, constamment.” Au bout de la rangée de fidèles, postée sur sa chaise de camping, une visiteuse, haut léopard également bicolore, acquiesce. “C’est sûr. C’est tout Christelle, ça. Elle est…” Elle cherche ses mots pour terminer sa phrase, un adjectif qui qualifierait au mieux son amie, et puis renonce. Il fait beau ce dimanche de début juin, et une dizaine de personnes se sont regroupées autour du tombeau de saint Léonard pour passer l’après-midi avec leur médium et guérisseuse, Christelle, la quarantaine passée. Ensemble, à l’ombre des pins, ils discutent de tout et de rien, d’un atelier peinture d’angelots, de Francis Lalanne, un “type simple” qui ne fait pas de manières, et de saint Léonard, bien sûr. La soixantaine, Michel appose ses mains sur la pierre, là où le saint aurait été enterré à l’origine. Il assure que quand il fait cela, il ressent de la chaleur, du froid ou des picotements, “tout dépend”. À quelques mètres de lui, Odette, 80 ans, rescapée “miraculée” d’un AVC, se tient immobile et silencieuse. Un rang d’oignons posté comme on attend le bus ou autre chose, la guérison d’une maladie grave, l’amitié, l’âme sœur, n’importe quel événement qui pourrait extirper un peu de l’ordinaire.