
Il porte des bottines avec un bas de survêtement, mais ce n’est pas ce qui interpelle le plus lorsqu’on le croise à la machine à café du hall d’embarquement du Terminal 2D de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, à Roissy. Maxime Gleizes présente une attelle au majeur de sa main droite. Les risques de son métier de comédien. “Je me suis fait ça la semaine dernière, lors d’une représentation, recontextualise-t-il. Mon partenaire était censé me frapper avec un gant de boxe. Je me suis tordu le doigt sur le coup. Rien de cassé, mais quelle ironie!” C’est le mot, en effet, puisque dans quelques minutes, le jeune homme de 34 ans s’envolera vers Belgrade, avant de rallier Loznica, une modeste ville de 20 000 habitants à la frontière entre la Serbie et la Bosnie, pour participer, avec l’équipe de France, aux championnats du monde de chessboxing. Un sport hybride qui alterne parties d’échecs et rounds de boxe de trois minutes chacun, et dont on sort vainqueur(e) en montrant une supériorité sur l’échiquier (par échec et mat ou manque de temps de l’adversaire) ou sur le ring (par KO, abandon ou décision de l’arbitre, par exemple en cas de countdowns trop rapprochés ou de saignements répétés). Tous les ingrédients sont réunis pour donner lieu à des combats épiques: un(e) athlète moins fort(e) à la boxe a tout intérêt à attaquer le roi adverse avec panache, un(e) joueur(se) dans une position inconfortable sur l’échiquier doit faire le dos rond avant de tout miser sur son uppercut, tandis que les coups reçus et le cardio consommé sur le ring altèrent forcément la lucidité des chessboxeurs à leur retour devant les 64 cases. Bien qu’encore amateure, la discipline se pratique sans casque. Alors, dans l’optique d’affronter des molosses venus de contrées où les échecs sont une discipline scolaire et la baston un exercice maîtrisé, mieux vaut s’assurer d’avoir la main en bon état. “Ça va mieux depuis ce matin , rassure Maxime, qui s’alignera chez les moins de 85 kilos. La flexibilité de mon doigt est revenue, comme un signe du ciel. De toute façon, je ne peux pas faire machine arrière. Je fais ça avant tout pour mon frère.” Car Maxime est de deux ans le cadet de Christophe Gleizes, reporter pour So Foot et Society , condamné injustement à sept ans de prison en Algérie l’été dernier, après avoir vécu plus d’un an sous contrôle judiciaire entre Alger et Tizi Ouzou.