Reportage

Sur les traces du trésor perdu de Daech

Il y a cinq ans, l'État islamique, longtemps l'organisation terroriste la plus puissante –et la plus riche– au monde, était vaincu par les Forces démocratiques syriennes soutenues par une coalition internationale. Depuis, en Irak et en Syrie, des habitants arpentent les déserts et les rues encore éventrées des villes, pelle et détecteur de métaux à la main, à la recherche d'un butin dont personne ne sait s'il existe vraiment: le trésor de Daech.
L'image représente une scène de ruines avec des soldats en uniforme tenant des armes. Il y a des personnages en tenue de protection, des murs délabrés avec des peintures murales, et des pièces de monnaie éparpillées au sol. Une bande de sécurité jaune et noire entoure une partie de la scène.
Illustrations: Émilie Seto pour Society

C’était il y a quatre ans, mais il n’a rien oublié. “Tout était détruit. Il y avait des morceaux de tentes, de voitures, des restes de maisons. Dans certaines d’entre elles, on a trouvé des montagnes d’explosifs, des armes.” Accroupi sur un rocher au bord de l’Euphrate, à Raqqa, Kuvan* s’arrête quelques instants. Le jeune Kurde syrien, âgé d’une trentaine d’années, se souvient surtout des corps: “Il y en avait énormément, ils étaient en putréfaction, dit-il. L’odeur était insoutenable. On pouvait reconnaître les restes des soldats de Daech. Ils avaient des uniformes, des armes, mais personne n’avait pensé à les enterrer.” Le 25 mai 2020, un an après la défaite de l’État islamique, Kuvan est l’un des tout premiers démineurs à entrer à Baghouz, village d’un kilomètre carré où s’étaient regroupés des dizaines de milliers de combattants de l’EI chassés des territoires récupérés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), l’alliance kurdo-arabe soutenue par la coalition internationale. “Le fameux dernier camp de l’État islamique”, résume-t-il . De ses doigts fins habitués à désamorcer les grenades, Kuvan caresse le fleuve, le regard perdu dans ses propres souvenirs. Une mélodie métallique échappée d’un vieux transistor posé sur le rebord d’une barque se mêle à la rumeur du vent. D’autres images lui reviennent: des scènes absurdes d’hommes essayant d’enfoncer leur pelle rouillée dans la terre sèche, keffieh sur le visage, sous un soleil écrasant. “Ils étaient beaucoup à fouiller, comme ça, lorsque nous sommes arrivés”, dit-il. Que cherchaient-ils, ces hommes courbés, dans ces paysages de mort et de désolation? Leurs proches disparus? Leur maison? “Non, coupe Kuvan, troublé. Ils creusaient pour trouver le trésor de Daech.”

Society #232

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