
Pavlo Yeshtokine, un entrepreneur de 33 ans bourré d’assurance, avait gardé d’une brève visite sur place le souvenir d’une “horrible petite ville soviétique” en forme de gros rectangle, avec un imposant parc central et un Palais de la culture au faste démesuré. Dmitri, timide ado tout juste sorti de l’horreur du siège de Marioupol, n’en avait, lui, jamais entendu parler. Katia Krivenko non plus: échappée avec ses deux enfants d’un village situé sur la ligne de front dans la région de Louhansk quelques heures avant son occupation par les forces russes, cette quadragénaire n’avait appris l’existence de Jovti Vody que par le biais d’une connaissance, fleuriste dans la ville. Au téléphone, les deux seules questions qu’elle lui avait posées étaient: y a-t-il une gare à Jovti Vody? Et est-ce une grande ville? Une frappe russe sur la gare de Kramatorsk, dans le Donbass, venait alors de tuer plus de 50 hommes, femmes et enfants sur le point de fuir la région.