Alors oui, bien sûr, là-haut sur scène, ils ont l’air d’avoir la meilleure vie du monde. Mais regardez cela un instant sous un autre angle. Vous avez dépassé la quarantaine depuis pas mal d’années maintenant. Vos goûts, vos désirs, vos fréquentations ont changé avec le temps. Peut-être auriez-vous aimé passer cette soirée en famille, ou vous offrir une virée entre amis, ou tout simplement vous effondrer devant la télé avec un pot de glace saveur macadamia et votre mal de dos, comme tout le monde. Au lieu de quoi vous voilà dans un pays étranger, à vous coltiner vos vieux potes de lycée pour cette nuit encore, sans compter tous ces types et filles de votre âge qui ont dépensé une centaine d’euros dans l’espoir que vous leur rendiez un peu de leur jeunesse perdue et qui se trouvent maintenant là, par dizaines de milliers devant vous, à fantasmer sur leur vie d’avant le travail et les factures, les fausses couches et la calvitie, les groupes WhatsApp de parents d’élèves et le Nutriscore, prêts à s’enthousiasmer, crier, chanter vos vieux riffs, tout pour penser à autre chose. Est-ce qu’on n’en attendrait pas un peu trop de vous, hein? Certains y arrivent, remarquez. Souvent au nom du sacro-saint “respect du public”, comme le rock a choisi d’intituler pudiquement ce que l’on nomme partout ailleurs “l’expérience client”. Mais vous n’êtes ni Bruce Springsteen ni Beyoncé. Vous êtes Julian Casablancas, et c’est au-dessus de vos forces. Du moins ce soir. Alors voilà ce que vous faites: vous passez à côté.

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Pauses trop longues entre les morceaux, plaisanteries malaisantes lancées au public, voix en dedans, incidents techniques en pagaille, performance tronquée d’une bonne demi-heure par rapport à ce qui était annoncé et pour finir, départ sans un au revoir ni un seul regard aux “fans”. Même vos musiciens, pourtant pas très concernés eux non plus, ont l’air gêné. Cela se passe à Paris, au festival Rock en Seine. C’est le 27 août 2023, et la presse s’en souviendra dès le lendemain comme du “show de la honte” et du “pire concert des Strokes de l’histoire”. Il en faut bien un, après tout.