
Cela fait maintenant plus que 40 ans que vous luttez pour la survie des espèces. Vous vous souvenez du moment où votre combat a commencé? Petit, au Canada, j’avais déjà la fibre: je détruisais les pièges des chasseurs pour sauver des castors. Mais le jour où j’ai vraiment réalisé l’importance de la vie animale, c’est quand j’ai vu une baleine agoniser. C’était dans les années 70. J’étais à Greenpeace à l’époque. On lisait beaucoup Gandhi, et on croyait alors qu’il suffisait de mettre nos corps en opposition pour protéger les cachalots. Et puis arrive ce navire russe qui tente de tuer un groupe de huit baleines. Nous nous sommes placés sur la ligne de tir. Cela a plutôt bien marché pendant 20 minutes, jusqu’à ce que le capitaine du vaisseau ordonne de nous tirer dessus. Soudain, il y a eu une explosion juste au-dessus de nous: une baleine a été touchée dans le dos, il y avait du sang partout. La plus grande des baleines est alors remontée à la surface. Un harpon l’a frappée en pleine tête et l’a renversée. Elle a commencé à agoniser à la surface avant de replonger furieusement. J’ai vu des bulles venir dans notre direction très rapidement. Puis elle a surgi de l’eau, et c’est à ce moment-là que j’ai vu ses yeux. Nous nous sommes regardés intensément la baleine et moi, et j’ai compris qu’elle avait compris ce que nous étions en train de faire: au lieu de nous aplatir, elle s’est rétractée au dernier moment et a replongé dans l’océan. Elle aurait pu nous tuer, mais elle a choisi de ne pas le faire.