Enquête à Hénin-Beaumont

Main basse sur la ville

Plus qu’aucune autre ville française, Hénin-Beaumont raconte l’ascension du Rassemblement national. C’est là que, dans les années 2000, Marine Le Pen a trouvé son ancrage local. Là que son parti a bâti sa stratégie de dédiabolisation. Là qu’elle a été élue députée, et là encore que son lieutenant Steeve Briois a conquis la mairie. Pourquoi ici? Parce que le terreau social, entre désindustrialisation et sentiment d’abandon, était fertile, certes. Mais aussi parce que la ville appartenait alors à Gérard Dalongeville, maire de gauche, dont la condamnation pour détournement de fonds publics a ouvert les portes à l’extrême droite. Retour sur l’affaire qui a changé la face de la politique française.
  • Par Antoine Mestres, à Hénin-Beaumont
  • 33 min.
  • Enquête
Une rue résidentielle avec des maisons alignées de chaque côté, une voiture garée à gauche et un passage piéton visible au fond.
Photos : Guillaume Cortade pour Society

À Hénin-Beaumont, ville de 25 700 habitants, l’ancien maire est devenu un fantôme. Un homme du passé, que l’on ne croise plus en ville, mais qui parfois réapparaît furtivement. Les lieux de ses surgissements sont les gares. Celle de la commune, à seulement 200 mètres de son domicile, et la gare du Nord, à Paris, où une personnalité locale l’a récemment croisé. “Et en un claquement de doigts, il a disparu.” Un bruit court selon lequel il travaillerait dans la capitale et rentrerait tard le soir chez lui. Un autre dit qu’il serait désormais dans le matériel médical. Parfois, lorsqu’il sort sa voiture du garage, Gérard Dalongeville donne du “bonjour” à ceux qu’il croise. Même les jours d’élection, lui qui est toujours inscrit sur les listes ne se déplace plus pour voter: il se contente de donner procuration à son ancienne secrétaire en mairie, qui met son bulletin dans l’urne et émarge à sa place. La dernière fois qu’il s’est rendu officiellement à l’hôtel de ville, c’était le 13 avril 2024, pour célébrer les noces d’or de sa belle-mère et son mari. Cela a donné lieu à une photo souvenir, publiée dans le journal municipal, où il apparaît juste derrière le maire Rassemblement national, Steeve Briois. En 2021, son nom a également été cité dans une procédure de licitation engagée par la municipalité à son encontre afin d’accélérer le paiement des 918 000 euros qu’il a été condamné à lui rembourser. À l’époque, il n’en avait rendu que 5 700. La mairie a donc mis aux enchères un immeuble lui appartenant pour récupérer une partie du fruit de la vente.

Society #256

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