Les enfants perdus de la Silicon Valley… | Society
Story

Les enfants perdus de la Silicon Valley 2/2

Ils étaient issus de bonnes familles et avaient été formés dans les meilleures écoles américaines. Comme tant d'autres esprits brillants, ils sont partis en Californie pour s'immerger dans le bouillon de culture qu'est la Silicon Valley et inventer le monde de demain. Aujourd'hui, ils sont en prison pour meurtre, suicidés ou disparus. Voici l'incroyable histoire des Ziziens, la secte qui a transformé le rêve californien en cauchemar.
  • Par Anthony Mansuy
  • 18 min.
  • Story
Illustration pour Les enfants perdus de la Silicon Valley 2/2
SIPA - DR

  Épisode précédent : Les enfants perdus de la Silicon Valley 1/2 

III

“Nous devons tous nous venger un jour”

Un homme portant un chapeau caresse un cheval dans une écurie. L'image est en noir et blanc.
Dr
Quand la pandémie de Covid frappe, en mars 2020, l’État de Californie publie un décret interdisant les expulsions locatives. Les Ziziens cessent alors de payer le loyer réclamé par Curtis Lind. Pendant deux ans, ils vont vivre en autarcie, sans frais de logement, ce qui va permettre à leurs théories de fermenter sans contradiction extérieure. Ziz ne porte plus que des robes de moine noires, définit son style comme celui d’un “seigneur Sith (les méchants dans Star Wars, ndlr) vegan”, puis se présente elle-même comme une “technologie à perfectionner”. Elle revendique aussi la construction d’une “religion idiosyncrasique”, où elle serait “religieusement obligée de faire tout ce [qu’elle veut]”. Gwen Danielson perfectionne de son côté ses théories sur les hémisphères cérébraux et prétend pouvoir rester en “veille agitée” des jours entiers. Alex Leatham cultive une haine de l’école et Emma Borhanian nourrit des fantasmes de violence de plus en plus explicites. Ces deux-là se font une promesse: “Nous devons tous nous venger un jour. Pour tout cela.” Un peu comme dans une boîte de Petri, ils se radicalisent les uns les autres. Quand un lecteur de Ziz écrit dans un blog qu’il faut parfois songer à “tuer” une personne avec qui on est “irrémédiablement en désaccord”, la jeune femme répond, dans l’espace dédié aux commentaires: “Je suis tellement putain de contente d’enfin avoir un égal.”
Un jeune homme portant une casquette et une cravate se tient dans une pièce avec des étagères remplies d'objets et de livres en arrière-plan.
Alex Leatham posant avec un sabre (photo postée sur Facebook en 2011).Dr
C’est aussi à ce moment-là que de nouvelles figures inquiétantes apparaissent dans son orbite. Par exemple, une certaine Alice Monday, qui emménage sur le terrain de Lind, décrite par Ziz comme “une sorte de mentore”, qui a un temps suivi Michael Vassar et qui sera vite accusée de violences. “Environ une fois par semaine pendant plusieurs mois, Alice prenait un morceau de bambou et frappait mon amie Emma avec”, écrira Leatham sur son blog. Une autre personnalité encore -pseudo: silver-and-ivory- rejoint le campement. Dans ses conversations Discord, cette personne, dont la véritable identité fait encore débat aujourd’hui, laisse libre cours à ses pulsions les plus sombres. “J’ai eu des fantasmes assez dramatiques de meurtre avec un couteau. J’ai écrit tout un faux article de journal là-dessus…’Tuer tes parents’ ferait un très bon mème… Une grande partie de mes images de vengeance consiste à saigner les gens à mort, pendre les femmes blanches sur mon mur comme de beaux papillons morts.”

Les enfants perdus de la Silicon Valley

Society #262

À lire aussi

Abonnez-vous à Society+ dès 4.90€

Des centaines de docus à streamer.
7 jours gratuits !