Enquête

Touche pas à son poste

Un pic d’audience, un sketch malaise, un chroniqueur “humilié”, un clash avec une vedette en bois, une plainte pour “menaces et violences physiques”… Ces temps-ci, tous les prétextes, surtout les mauvais, sont bons pour parler de l’émission Touche pas à mon poste et de son héros, Cyril Hanouna. Adoré par ses très nombreux fans, mais détesté par une grande partie du milieu, l’ancien pitre de la chaîne Comédie! est devenu, en quelques mois, le personnage le plus sulfureux du PAF. Mais la question se pose: le restera-t-il bien longtemps? Portrait d’un homme qui divise. Jusque dans ses propres rangs.
  • Par Victor Le Grand et Thomas Pitrel
  • 36 min.
  • Enquête
Illustration pour Touche pas à son poste
Photos: Renaud Bouchez pour Society

“Du beurre et trois trombones?” C’est la panique au premier étage de l’immeuble de verre qui abrite les studios de D8, D17 et i-Télé, rue des Enfants-du-Paradis, à Boulogne-Billancourt. À quelques minutes de la prise d’antenne, Sacha Baron Cohen, invité de Touche pas à mon poste, vient de débouler à l’américaine: bardé d’assistants et d’attachés de presse, MacBook ouvert à la main. Vêtu d’un maillot du PSG, d’un pantacourt et de chaussettes blanches glissées dans des sandales, l’homme derrière Borat est venu, comme à son habitude, défendre son prochain film dans la peau de son personnage, un prolétaire du nord de l’Angleterre. Pour l’occasion, pas question de laisser la moindre place au hasard, toute son intervention dans TPMP a été écrite à l’avance et transmise aux interprètes. Pourtant, personne ne s’attendait à devoir dénicher beurre et trombones. “C’est grave si le beurre est périmé?” s’inquiète une régisseuse. Les couloirs exigus de D8 ressemblent à une fourmilière, où le stress des ouvriers du petit écran contraste avec la détente des chroniqueurs de l’émission. Dans l’espace maquillage, Énora Malagré envoie du “sur la Torah” à Valérie Benaïm pendant que Christophe Carrière, chef de la rubrique cinéma de L’Express, lui montre le SMS qu’il a reçu dans la journée. “Il t’a demandé de te raser avant l’émission? C’est vraiment ton père”, s’esclaffe la Bretonne. L’auteur du texto, lui, est dans sa loge personnelle. Entre une borne Playstation 3, une photo encadrée de lui-même jouant au tennis et un mini-frigo, Cyril Hanouna s’enfonce dans son fauteuil de coiffure en cuir noir.

Loin de l’agitation ambiante et de son image publique de pile électrique, l’animateur-producteur, également présent sur Europe 1 tous les après-midi, semble presque calme. Pendant une heure, seuls des yeux fatigués régulièrement dirigés vers son smartphone trahissent l’hyperactivité de celui que l’on surnomme Baba. L’autoproclamé “malade des chiffres” aime suivre en direct, sur son petit écran, les courbes d’audience de toutes les émissions de H2O, sa boîte de production. Et en ce moment, les chiffres sont bons, très bons. Touche pas à mon poste, son émission phare diffusée à l’heure de l’apéritif et du dîner sur D8 depuis 2012, flirte avec les deux millions de téléspectateurs en moyenne et les 8% de part de marché. Sur la saison 2014/15, H2O a totalisé 870 heures et 28 minutes de programmes diffusés, confortant sa place de leader français du marché. Une hégémonie qui ne risque pas de prendre fin prochainement puisque Vincent Bolloré, patron du groupe Canal+, a signé en septembre dernier un contrat de cinq ans pour 50 millions d’euros annuels avec la société d’Hanouna, qui auparavant n’en touchait “que” 19. Ara Aprikian, qui a fait venir Hanouna et son émission sur D8 à la création de la chaîne en 2012, confirme: “C’est un succès économique indéniable. Il n’y a pas une personne dans le PAF avec qui vous discutez cinq minutes et qui ne vous parle pas de lui. Et comme pour tous les succès, cela amène des jalousies.”

Society #26

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