
Maudit soit le parc national américain de Frozen Head. Maudits soient ses bois infestés de ronces, ses sentiers sinueux, ses crêtes battues aux quatre vents, ses montées sans fin et ses descentes abruptes. Maudits soient son relief escarpé, ses falaises infranchissables, ses successions de collines mornes et cet horizon monotone d’où n’émerge qu’une jungle brune de bouleaux, de pins et de châtaigniers. Julie Pierce, 53 ans, connaît bien ce parc du Tennessee, situé dans les montagnes de Cumberland. Dossard no49 sur le dos, elle se prépare à y courir la Barkley Marathons, une course à pied de 160 kilomètres à travers bois et forêts, sans repère ni chemin balisé. Réputée pour être la “course la plus dure du monde”, la Barkley Marathons n’accorde aucun répit aux 40 participants, condamnés à enchaîner cinq tours de 32 kilomètres en moins de 60 heures. Personne n’en sort indemne: finir la course équivaut à gravir deux fois et demie l’Everest. “Quatorze coureurs y sont arrivés depuis que la course a été créée en 1986, révèle Julie, qui, dans la vie, est professeur d’économie à Salt Lake City. Seul 1,5% des concurrents a réussi à la terminer. On est pourtant tous préparés à ce genre d’épreuves, on est spécialisés dans les courses d’endurance, mais cela ne suffit pas. En 2003, j’ai dû abandonner après avoir fait un seul tour en 11 heures et 39 minutes. C’était trop dur. Il a fallu que j’aille au-delà de mes limites physiques et mentales”, raconte cette sportive qui fut pourtant à bonne école: son ex-mari, Jim Nelson, est l’un des quatorze à avoir fini la Barkley, en 57 heures, 28 minutes et 25 secondes. C’était en 2004.