
Le soleil est couché depuis 20h30 mais il fait encore doux ; ses rayons ont bercé toute la journée la côte varoise. La voiture de gendarmerie glisse le long de la nationale 7, soucieuse. Depuis le matin de ce 21 avril 2011, deux gendarmes de la brigade territoriale de Fréjus font le tour des parkings d’hôtel de Roquebrune-sur-Argens, à l’affût d’une Citroën C5 immatriculée 235 CJG 44. Ils sont à la recherche d’un fugitif, Xavier Dupont de Ligonnès, dont ils savent deux choses. La première, c’est qu’il rôde potentiellement dans les parages, car ses relevés bancaires ont révélé qu’il a procédé à un retrait de 30 euros à un distributeur de la Caisse d’Épargne de Roquebrune, une semaine plus tôt -c’est l’une des dernières traces que l’on a de lui.
La seconde, c’est que l’homme qu’ils recherchent est un assassin.
Le matin même, à 1 000 kilomètres de là, à Nantes, une équipe de l’antenne de police judiciaire a effectué une cinquième visite domiciliaire chez les Ligonnès. Cela fait plusieurs jours que plus personne n’a vu la famille -un couple et ses quatre enfants. Les chiens n’aboient plus. Une enquête a été ouverte deux jours plus tôt pour disparition inquiétante. Cette visite donne, comme les précédentes, l’aperçu d’une vie pétrifiée: les assiettes et les couverts dans le lave-vaisselle, le frigo vide à part quelques pots de confiture, la serpillère encore humide dans la cuisine, le jeu d’échecs sur la table du salon, les guitares sur le canapé. On pourrait croire les Ligonnès volatilisés, n’étaient des absences criantes: les lits sans draps, tous les cadres sans photos et certains placards sans aucun vêtement à l’intérieur. Mais ce matin-là, dans le jardin, une jeune lieutenante est intriguée par un amoncellement sous la terrasse, à gauche de la porte de la cave. Il y a des coussins, des outils de jardinage, des boules de pétanque, un arrosoir, des bidons et surtout une gamelle pour chien bizarrement glissée sous une planche en bois. Les policiers déplacent ce fatras, qui recouvre une terre plane et un peu tassée. Ils s’emparent d’une pelle rouillée et d’une pioche au manche cassé, commencent à creuser et tombent sur une dalle de ciment qui semble légèrement meuble, ce qu’ils vérifient en l’effritant du doigt. La lieutenante se met à filmer. La couche de ciment n’est épaisse que d’un à deux centimètres. En dessous se trouve du papier peint blanc recouvrant une couche de terre, de chaux et de gravas, puis un épais morceau de plastique blanc et vert. Une odeur de putréfaction se dégage et plus ils creusent, plus les policiers savent ce qu’ils vont trouver car c’est maintenant un duvet bleu marine qui apparaît, à l’intérieur duquel ont été glissés des sacs-poubelle noirs. Ils les découpent et aperçoivent alors de la chair humaine: le bas d’une jambe en décomposition. Il est 10h30. Dans l’attente des légistes, ils creusent à droite de la porte d’entrée de la cave, jusqu’à ce qu’un drap rose apparaisse. Il est alors 11h20.