Enquête

Xavier Dupont de Ligonnès (1/6)

Au début du mois d'avril 2011, un homme de 50 ans assassinait sa femme, leurs quatre enfants et leurs deux chiens avant de les enterrer sous la terrasse de leur maison nantaise, puis de disparaître sans laisser de traces. Presque dix ans plus tard, les innombrables mystères qui entourent l'affaire font de celle-ci le fait divers français le plus discuté de ce début de millénaire, au point que la frénésie hexagonale s'est désormais diffusée dans le monde entier. Society vous propose de comprendre comment un jeune homme “bien sous tous rapports” qui s'était juré de ne jamais abandonner sa famille a fini par la décimer.
  • Par P. Boisson, M. Chamoux, S. Gouverneur et T. Raisse
  • 34 min.
  • Enquête
Une rue au crépuscule avec un bâtiment résidentiel ancien, des arbres et un lampadaire allumé.
Photo: Théophile Trossat pour Society

Le soleil est couché depuis 20h30 mais il fait encore doux ; ses rayons ont bercé toute la journée la côte varoise. La voiture de gendarmerie glisse le long de la nationale 7, soucieuse. Depuis le matin de ce 21 avril 2011, deux gendarmes de la brigade territoriale de Fréjus font le tour des parkings d’hôtel de Roquebrune-sur-Argens, à l’affût d’une Citroën C5 immatriculée 235 CJG 44. Ils sont à la recherche d’un fugitif, Xavier Dupont de Ligonnès, dont ils savent deux choses. La première, c’est qu’il rôde potentiellement dans les parages, car ses relevés bancaires ont révélé qu’il a procédé à un retrait de 30 euros à un distributeur de la Caisse d’Épargne de Roquebrune, une semaine plus tôt -c’est l’une des dernières traces que l’on a de lui.
La seconde, c’est que l’homme qu’ils recherchent est un assassin.

Le matin même, à 1 000 kilomètres de là, à Nantes, une équipe de l’antenne de police judiciaire a effectué une cinquième visite domiciliaire chez les Ligonnès. Cela fait plusieurs jours que plus personne n’a vu la famille -un couple et ses quatre enfants. Les chiens n’aboient plus. Une enquête a été ouverte deux jours plus tôt pour disparition inquiétante. Cette visite donne, comme les précédentes, l’aperçu d’une vie pétrifiée: les assiettes et les couverts dans le lave-vaisselle, le frigo vide à part quelques pots de confiture, la serpillère encore humide dans la cuisine, le jeu d’échecs sur la table du salon, les guitares sur le canapé. On pourrait croire les Ligonnès volatilisés, n’étaient des absences criantes: les lits sans draps, tous les cadres sans photos et certains placards sans aucun vêtement à l’intérieur. Mais ce matin-là, dans le jardin, une jeune lieutenante est intriguée par un amoncellement sous la terrasse, à gauche de la porte de la cave. Il y a des coussins, des outils de jardinage, des boules de pétanque, un arrosoir, des bidons et surtout une gamelle pour chien bizarrement glissée sous une planche en bois. Les policiers déplacent ce fatras, qui recouvre une terre plane et un peu tassée. Ils s’emparent d’une pelle rouillée et d’une pioche au manche cassé, commencent à creuser et tombent sur une dalle de ciment qui semble légèrement meuble, ce qu’ils vérifient en l’effritant du doigt. La lieutenante se met à filmer. La couche de ciment n’est épaisse que d’un à deux centimètres. En dessous se trouve du papier peint blanc recouvrant une couche de terre, de chaux et de gravas, puis un épais morceau de plastique blanc et vert. Une odeur de putréfaction se dégage et plus ils creusent, plus les policiers savent ce qu’ils vont trouver car c’est maintenant un duvet bleu marine qui apparaît, à l’intérieur duquel ont été glissés des sacs-poubelle noirs. Ils les découpent et aperçoivent alors de la chair humaine: le bas d’une jambe en décomposition. Il est 10h30. Dans l’attente des légistes, ils creusent à droite de la porte d’entrée de la cave, jusqu’à ce qu’un drap rose apparaisse. Il est alors 11h20.

Épisode suivant : Xavier Dupont de Ligonnès (2/6) La grotte 

La grande enquête Dupont de Ligonnès

Une rue bordée d'arbres avec des voitures garées sur le côté et des lumières de voiture visibles au loin, sous un ciel crépusculaire.
Le 08 Juillet 2020 à Nantes. Bientôt 10 ans après la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès souçonné du meutre de sa femme et de ses quatre enfants début avril 2011 à Nantes. Le père de famille est toujours recherché. SUR LA PHOTO: Vue sur le boulevard Schuman où habitait au numéro 55 la famille Dupont de Ligonnes.Photo: Théophile Trossat pour Society

Xavier Dupont de Ligonnès (3/6)

Troisième partie de notre récit sur l’affaire Dupont de Ligonnès: comment un homme qui ressemble à un pilier familial et un ami idéal en vient-il à assassiner sa femme, leurs quatre enfants et leurs deux chiens avant de disparaître? La réponse en 50 ans de descente aux enfers.

Society #136

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